Stéphane Mahé sait capter d’une mélancolie bretonne le nec plus ultra sous forme de légende. Le cœur du livre consiste à en dépendre. La réalité se transforme en fiction qui, au lieu de la dépeupler, la subsume d’apparitions fantasmatiques.
Nous touchons par cette manière de légender la Bretagne au fantastique, au mythe. Complice des ombres, Mahé se fait l’écumeur de lumière au cœur de la nuit.
Tout se recrée et se transforme en des pans d’ombres d’où jaillssenit ça et là les couleurs. Si bien que l’émotion devient la sœur de l’imaginaire au sein d’un tel voyage aux confins des paysages.
Un songe s’érige et le regardeur s’y égare, s’y perd. Dans ce territoire de l’errance, une fable se déploie sous la lune et tout devient orphique.
Ombres, ténèbres mais aussi et variations chromatiques lumineuses évoquent des paradis perdus et enfouis qui renaissent. Au bord des abîmes quelque chose renaît. C’est là, ça n’a jamais été dans des vibrations crépusculaires et corpusculaires. Du réel ne reste pus qu’un roman nocturne. Mais il n’a rien de délétère.
Tout devient de l’ordre d’une magie là où, comme écrit le poète Yvon Le Men, “la nuit qui fait la lumière” crée aussi le rêve dans la cristallisation d’instants plus ou moins suspendus dans les ombres de larges étendues désolées.
Des silhouettes en surgissent pour ouvrir — qui sait ? — à des scènes délicieusement érotiques afin que de l’obscure jaillissent des vibrations exquises là où “rien n’a lieu que le lieu” (Mallarmé). Il devient inattendu, doux et fragile.
Halos, lueurs scintillent là où apparaissent des sirènes qui deviennent les ensorceleuses. Elles théâtralisent l’espace de leur rédemption sinon promise du moins espérée.
jean-paul gavard-perret
Stéphane Mahé, Mood, Éditions de Juillet, 2023, 92 p.