Manger n’est pas neutre, faire l’amour non plus. Surtout pour une femme dont les deux actes sont entourés de symboles et de tabous. “Faire banquette” implique pour elles tout une théâtralité de jeux de gourmandise mais autant d’observance.
Il faut trouver le plaisir du sexe comme de la nourriture au-delà des prescriptions, injonctions et tabous fléchés par les hommes et les subterfuges que l’auteure exprime avec finesse, humour et intelligence dans sa fiction.
Elle souligne combien le cadre masculin régit — en une sorte de guerre tacite des deux sexes — désir et plaisir selon une manipulation qui oblige la femme aux puritanismes (sauf pour celles à qui on demande la débrider des instincts pour des liaisons dangereuses).
Souvent les femmes dans ces deux dégustations doivent d’une certaine façon se cacher pour jouir et attendre parfois que l’alter ego ait, d’une façon ou une autre, disparu. Car un tel abandon génère une perturbation chez ceux qui “baisent et mangent équilibrés” ou non mais ne permettent en rien des écarts lors de leur consommation et au regard de leurs compétences (ou non).
Dans ce roman, les places du sexe et celle de la nourriture sont à la fois identiques et inversées. C’est comme si le sexe rythmait les journées de tous, tandis que la nourriture était une affaire de l’intime, d’amants, qu’il faut taire et qui font rougir.
Reste pour les femmes souvent dans les deux cas une culpabilité que leur compagnon ignore. Il leur impose la maigreur tout en disant n’apprécier, en hypocrite, que les rondes en tant que leurs partenaires sexuelles et sociales.
jean-paul gavard-perret
Juliette Oury, Dès que sa bouche fut pleine, Flammarion, 2023, 272 p. — 19,00 €.