© Jessy Conjat
Le naufrage d’une âme
Dans un espace froid, dans lequel on ne repère pas d’orientation notable, des formes jonchent le sol. Des bruits métalliques résonnent, propres à susciter l’inquiétude. On assiste à une série de rapports que le narrateur fait de lui-même, des modestes événements qui ont assaisonné sa journée, sans la pigmenter.
Par la succession des remarques, l’auteur décrit le processus d’auto-référence qui conduit à un égocentrisme pathologique. Le fonctionnaire semble se montrer de plus en plus inapte à son travail, dans le développement même du zèle qu’il met à l’accomplir. Le locuteur, de plus en plus attentif aux détails insignifiants, apparaît de moins en moins adapté aux relations sociales, qu’il tend à mimer dans une forme de déréalisation.
Antoine Robinet fait ce qu’il peut : dans ses habits informes, à renfort de gestes qui se dégingandent, il s’efforce d’incarner Poprichtchine, mais ne parvient pas à susciter d’émotion idoine. Las, le propos est redondant ; Gogol n’a pas signé un grand texte, peut-être parce qu’il s’emploie à décrire une psychose paranoïaque plutôt qu’une névrose schizophrénique comme par exemple Maupassant dans Le Horla.
Reste que le public regarde le pauvre personnage s’enfoncer dans son délire sans parvenir à en partager quoi que ce soit, exclu qu’il est d’un monde qui s’autosuffit et dans lequel se résorbe le discours comme la personnalité de celui qui le tient.
christophe giolito
Journal d’un fou
de Nicolaï Gogol
Mise en scène Bruno Dairou
Interprète : Antoine Robinet
Traduction d’après Louis Viardot (Les mémoires d’un fou, 1845) ; création lumière Héléna Castelli ;
graphiste Romain AK.
Au théâtre Albatros, 29, rue des Teinturiers 84000 Avignon
https://www.facebook.com/AlbatrosTheatreAvignon Salle Magasin
du 7 au 29 juillet 2023, à 16h00 durée 1h+33 (0)4 90 85 23 23
Production Perspectives (Cie des)