Où l’on apprend enfin qui était ce drôle de chaton du temps qu’il était encore un méchant garnement
Du kid au cat, il n’y a qu’un chat…
Voilà déjà quelques années que les jeunes amateurs de bandes dessinées s’émeuvent des tribulations tragi-comiques d’un drôle de chaton nommé Billy. Drôle ? Pour ça oui : un chaton répétant à qui veut l’entendre qu’il n’est pas tout à fait un chaton mais “un garçon dans la peau d’un chat”, ça ne laisse pas d’intriguer. Au bout de sept albums d’aventures palpitantes, il convenait de lever le voile. Cette option scénaristique un peu tardive a peut-être quelque chose à voir avec la décision de Colman, le dessinateur qui a créé le personnage avec Desberg, de céder le pinceau à Peral. Ainsi, en coïncidant avec le récit des origines, ce passage de relais ressemble bien davantage à un nouveau début qu’à une prise de train en marche.
Rien à signaler en matière de continuité graphique ; le dessin de Peral suit celui de Colman — un trait commun à de nombreuses séries humoristiques telles que, entre autres, Spirou, Boule et Bill, Les Schtroumpfs ou Les Petits hommes : même transcription des corps et de l’environnement, même restitution des mouvements et des émotions. Quant à l’organisation narrative, elle repose à nouveau sur une succession d’histoires courtes. S’articulant ici en six saynètes de 5 à 10 planches pouvant se lire comme autant d’épisodes indépendants ou bien d’un seul tenant, le récit est d’un abord aisé pour le jeune public auquel l’album s’adresse.
La Vie de chaton, c’est d’abord la révélation de ce qu’était le garçon Billy : un insupportable garnement toujours à l’affût de la première bêtise à faire, rictus en coin et yeux plissés par la malice. Expression maligne qu’il troque pour la mine contrite du pauvre hère démuni dès lors qu’il a été changé en chaton. Parce qu’on a beau se sentir libre, comprendre les miaulements et jouir de la protection d’un matou bienveillant, la vie de garçon, ça laisse des traces — et non des moindres : pattes et pelage n’ont rien changé à la propension de Billy à reluquer les filles de pub en maillot de bain sur affiches géantes, aussi bien que les filles tout court ( !)… Reste que lorsqu’on est un chaton — extérieurement du moins — mieux vaudrait succomber aux charmes des jolies minettes qui, elles, savent remarquer les félins attraits de Billy. M. Hubert le matou essaie bien de veiller au grain - étant lui-même fort occupé du beau sexe chattesque, il ne doute pas de parvenir à y convertir Billy — mais c’est là une mission qui est loin d’être de tout repos…
En tout cas, savoir quel affreux jojo était Billy avant sa métamorphose n’empêche nullement de s’émouvoir de ses affaires de cœur. Au contraire : on fond davantage encore, et les yeux enamourés du chaton chamboulé par la démarche chaloupée d’une élégante féline — dont les traits, au passage, ne sont pas sans évoquer l’aristochatte Duchesse — ont tôt fait d’effacer jusqu’au souvenir des regards méchants de l’infernal gamin.
isabelle roche
Peral / Desberg / Colman, Billy the cat — Tome 8 : “La Vie de chaton”, Dupuis, 2003, 48 p. — 8,20 €. |
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