Jean-Pierre Cabanes brosse une épopée de 1938 à 1946, des prémices de la Seconde Guerre mondiale au procès de Nuremberg. Il fait porter le récit par Werner Burckhardt qui va traverser cette période avec plus ou moins de bonheur.
C’est à Paris que ce franco-allemand achève sa thèse sur les faux dans la peinture européenne. Il rencontre Claire, étudiante à l’école du Louvre, dont le père est galeriste. Ils vont s’aimer mais la guerre va les séparer, les réunir…
Il a une sœur, Hildegarde, Hildi, interprète d’italien au ministère des Affaires étrangères allemand. Elle rencontre, lors de la conférence sur le sort des Sudètes, en 1938, le comte Galeazzo Ciano, le gendre du Duce, ministre. Celui-ci ne reste pas insensible au charme de la belle Allemande même si celle-ci va épouser un général.
Ces personnages vont peu à peu croiser et côtoyer des protagonistes historiques.
Et la guerre est là. Werner va rejoindre son unité de sous-marins. La famille de Claire, qui est juive, va subir les lois édictées par le régime de Vichy et perdre très vite tous ses droits, tous ses biens.
Goering, amateur d’art, prend Werner à son service, subjugué par la qualité de sa thèse, devenue une référence en la matière, surtout concernant Vermeer. C’est alors le pillage des œuvres, un pillage que Werner accepte mal d’autant que la famille de Claire est spoliée.
Hildi se rapproche, pour différentes raisons, de Ciano, mais partout la violence le dispute à l’amour et…
Avec L’annonce faite à Goering, un titre basé sur une plaisanterie qu’on découvre avec délices, Jean-Pierre Cabanes réunit une foule de personnages authentiques, les faisant évoluer dans son histoire qui colle bien à l’Histoire. Il met en scène nombre d’acteurs de cette époque tant dans le domaine artistique, diplomatique que militaire.
Goering occupe une belle place, non pas seulement parce qu’il pèse plus de cent-vingt kilos, mais parce que féru d’art et de belles œuvres, il profite de sa place pour s’approprier une quantité incroyable d’œuvres d’art. Une partie de l’intrigue s’appuie sur les “authentiques” faux Vermeer qu’il a achetés, enfin façon de parler, des faux réalisés par Han van Meegeren, un artiste exceptionnel dans le genre, certainement le meilleur du XXe siècle.
Outre Goering qu’il décrit avec justesse, faisant visiter le luxueux palais qu’il avait fait construire au nord de Berlin, le romancier anime Hitler, Le Duce, des dignitaires nazis et fascistes, des individus authentiques à l’aura plus modeste comme Bruno Lohse, un marchand d’art allemand, Rose Valland, une résistante qui permettra de retrouver nombre des œuvres pillées…
Sur les pas du frère et de la sœur, le lecteur voyage de Paris à Berlin, de Rome en Écosse, de l’Atlantique nord au port de New York, de Salonique à Buenos-Aires…
Passant rapidement d’un acteur du drame à un autre, parfois en moins d’une page, Jean-Pierre Cabanes impulse un rythme trépidant à son récit. Ce roman qui emprunte au thriller par certains côtés, au traité historique, se lit avec avidité tant la fiction est nourrie de la réalité de l’époque.
Soutenu par un travail documentaire de premier ordre pour illustrer les domaines et les événements abordés, L’annonce faite à Goering est un régal de lecture.
serge perraud
Jean-Pierre Cabanes, L’annonce faite à Goering, Albin Michel, coll. “Romans français”, juin 2023, 400 p. — 22,90 €.