Quand la frontière entre la vie et la mort…
Audra Spick et Nicolas Bellanger sont en planque ce dimanche soir dans la campagne pour traquer l’assassin d’une femme atrocement torturée. Son véhicule identifié, l’équipe de Sharko peut retrouver l’adresse et lancer l’assaut. Mais l’assassin trompe son monde, fuit en agressant sauvagement Audra qui, bien qu’enceinte de cinq mois, tenait à être là, en retrait. Il se suicide en se jetant contre un train.
Le diagnostic sur l’état de santé d’Audra est alarmant. Sharko est suspendu le temps que l’IGPN enquête.
Pour identifier la femme assassinée une piste se dessine par sa greffe du col du fémur. La donneuse est Emma Dotty habitant à Paris. Bien que suspendu,Sharko va fouiner à l’adresse. Ce qu’il y découvre le stupéfie, le met mal à l’aise. Cette dame exerce l’activité de Ceroplasticienne. Avec habilité, celle-ci a reconstitué deux représentations abominables de l’enfer, se mettant en scène dans l’une. D’après sa voisine, elle ne donne plus de nouvelles depuis trois mois.
Audra a sombré dans un coma profond, mais le foetus vit toujours. Faut-il continuer à la maintenir en état de mort cérébrale pour…
Et sur les traces d’Emma Dotty, Sharko et son équipe vont se confronter à l’inimaginable avec la traque de la Faille, cette porte qui autorise des expériences de mort imminente…
Franck Thilliez n’est généralement pas tendre avec ses personnages, n’hésitant pas à les malmener, à les placer dans des situations plus que périlleuses. Mais là !!!
Il construit son intrigue sur La Mort, un des grands thèmes qu’il souhaitait traiter depuis longtemps. Or, la mort, si elle est bien présente dans le roman policier, n’est pas un sujet plaisant à traiter. Il faut l’intégrer dans un cadre qui touche au plus près sa galerie de personnages. Or, comment impliquer un individu face à la mort si ce n’est la sienne ou en faisant mourir quelqu’un qui lui est très cher ?
De plus, si elle est inéluctable, la mort déchaîne nombre de passions, de pulsions, fascine quelques individus. C’est un aspect que le romancier développe de superbe façon en mettant en scène toute une série d’actions liées à des expériences de mort imminente, ces fameuses EMI. Or, contrairement à ce qui se dit généralement par ceux qui ont vécu une telle expérience, ce n’est pas la belle lumière, la musique, les intimes qui invitent, mais une vision beaucoup plus infernale.
Parallèlement, il confronte les membres de son équipe à un cheminement effroyable, décider du sort d’une femme enceinte déclarée en mort cérébrale mais dont l’organisme continue de donner la vie.
Il emprunte, pour des rebondissements, à l’affaire Lambert qui défraya les chroniques, faisant les choux-gras des médias spécialisés dans l’exploitation abusive des faits divers sordides.
Avec cette matière première, Franck Thilliez construit, comme à son habitude, une intrigue solide, d’autant plus solide que basée sur une documentation précise sur un sujet qui reste encore confidentiel. Il donne en fin de roman quelques sources tant littéraires que tirées du Web. Il questionne avec beaucoup d’émotions sur des aspects moraux et sociétaux liés à la fin de vie, à l’acharnement thérapeutique.
Si ce livre est sombre, souvent bouleversant, il se lit avec un très grand intérêt tant les personnages mis en scène sont attachants, tant les éléments constitutifs de l’histoire sont fascinants.
serge perraud
Franck Thilliez, La Faille, Fleuve noir, coll. “thriller”, mai 2023, 504 p. — 22,90 €.