Doit-on tenir les promesses faites quand on était jeune ?
L’album débute par le suicide d’une jeune femme sautant d’une falaise dans les environs de Rome. Raphaël l’a cherchée, sans résultats. Il a quarante ans. Effondré sur une marche qui mène à l’église de la Trinité-des-Monts, il fait le bilan des jours passés, un triste bilan. Il n’a passé qu’une nuit dans la Ville Éternelle, mais, en peu de temps, il a accumulé bêtises sur bourdes. Il décide de rentrer en France.
Trois jours plus tôt, à Gif-sur-Yvette, la compagne de Raphaël lui organise une fête pour ses quarante ans. Parmi les cadeaux, il trouve une cassette vidéo arrivée anonymement par la Poste. Sur les premières images, qu’il découvre avec ses amis, il se revoit à vingt ans. Il interrompt vite la projection. Plus tard, seul, il visionne la scène. Il est avec Marie, sa compagne de l’époque, et ils se promettent de passer la nuit de leur quarante ans ensemble. Elle choisit Rome comme lieu de rendez-vous. Commence alors, pour Raphaël et Marie, deux parcours dont le point focal doit être ces retrouvailles.
Si lui est en proie à une tempête de sentiments contradictoires, elle semble sereine, comme si elle connaissait, par avance, les événements à venir…
Jim, avec ce premier album, frappe fort. Sur l’idée relativement simple d’une projection dans le futur, d’une promesse faite sans y croire vraiment, il construit une histoire habile et terriblement interrogatrice. Il mène une réflexion sur le sens de la vie, sur les promesses, sur les souvenirs, sur les rapports avec les autres, sur les traces que l’on peut laisser dans la vie de ceux que l’on croise, que l’on rencontre. Il tisse un fil conducteur avec soin, presque avec maniaquerie, enchaîne des scènes émouvantes ou déplaisantes. Il évoque l’amour, la fidélité, la séduction, les petits riens qui font basculer une existence, la difficulté de la durée, l’usure du quotidien, la recherche d’une apparente nouveauté. Avec une mise en scène parfaitement maîtrisée, il mixte tous ces éléments, en esquisse certains, en développe d’autres, mais trouve toujours le ton juste.
Jim propose un dessin léger, au trait à la fois hésitant et dynamique, un travail précis sur la mise en page et une recherche approfondie sur les angles de vues et les perspectives. Il brosse une galerie de personnages authentiques dans leurs attitudes, leurs expressions. Il reconnaît s’inspirer, pour constituer celle-ci, de ses amis, de ses proches, de silhouettes volées au détour d’une rencontre. Par ailleurs réalisateur de courts-métrages, il met en application, dans son album, les techniques cinématographiques.
La mise en couleurs, signée de Delphine et Jim, est particulièrement réussie. On a trop souvent tendance à passer sous silence cet aspect pourtant essentiel pour n’évoquer que le scénario ou le dessin. Le couple de coloristes présente une gamme de teintes douces, chatoyantes, expressives qui éclairent l’atmosphère de l’histoire, démultiplie les émotions exprimées par le dessin.
Cette première partie d’Une nuit à Rome emporte l’adhésion pour la beauté et la profondeur de son scénario, la qualité de son dessin et sa délicieuse mise en couleurs.
serge perraud
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Jim (scénario et dessin) Delphine et Jim (couleur), Une nuit à Rome T.1, Bamboo, coll. “Grand Angle”, mai 2012, 104 p. — 17,90 €. |