Une alliance contre les forces du mal ?
Avec Nero, les auteurs proposent un récit qui mêle croisades et ésotérisme. Ils offrent une vision différente de celle qui est habituellement présentée en Occident, celle des Croisés.
Ils retiennent, pour cette histoire dans l’Histoire, un guerrier arabe qui a vécu des événements terribles et en reste traumatisé.
Avec un poignard, un père trace des signes sur le front de son fils avant de le sacrifier. Lorsque l’adolescent le supplie de l’épargner, son père prend l’exemple d’Abraham qui n’a pas hésité. Alors que le coup fatal va être donné, le garçon saisi le poignard de l’homme qui le tient agenouillé et le plante dans le cœur de son bourreau, déclenchant un cataclysme. Il se retrouve seul marqué à jamais au front.
En Syrie, c’est la 58ème année de guerre en cet an 551 de l’Hégire. Nero se bat comme un lion contre les Francs alors que le reste de son armée se replie. Il est désarçonné et va être tué quand un Croisé lui sauve la vie. Celui-ci connaît la signification des cicatrices. Il veut trouver cette grotte, près de Damas, et compte sur Nero pour le guider. Sur le chemin, ils sont contraints de s’arrêter près d’un groupe qui rejoint le gros de l’armée qui marche vers la forteresse de Tell Bashir pour l’assiéger.
Alors que celui qui a fait prisonnier Nero part se rafraichir au point d’eau, ils sont attaqués et Nizarite, une guerrière, qui le délivre. Commence alors un chassé-croisé mortifère entre les deux hommes pour la maîtrise d’un secret qui…
Cette guerre en Syrie est présentée essentiellement du côté musulman. C’est la lutte contre les Francs qui se comportent en envahisseurs. Mais c’est aussi le combat de deux individus, deux personnalités qui n’appartiennent à aucun clan, qui ne sont pas viscéralement attachés à leur camp, à leur culture et surtout pas à la religion qu’ils devraient embrasser. Ils mènent leur propre quête pour un but mystérieux liés à des croyances, des dogmes très anciens. La violence des attitudes et des sentiments cadence leur relation.
Les scénaristes prennent comme point de départ et comme lieu de cristallisation des croyances ésotériques une grotte sur le mont Qassioun, celui qui domine Damas. D’après des manuscrits médiévaux arabes, c’est dans cette cavité que Caïn aurait tué Abel, lui donnant pour toujours le nom de grotte du Sang.
Le graphisme se partage entre quatre personnes, deux dessinateurs et deux coloristes. Le graphisme est impressionnant. Il est ainsi rendu par la dimension de l’album et par le choix de privilégier de grandes cases, voire des pleines pages pour rendre l’action plus visible, plus dynamique. Nombre de planches sont constituées de trois, quatre vignettes seulement. Les gros plans abondent, que ce soit ceux des protagonistes comme ceux des éléments d’action.
Si les personnages sont construits en quelques traits, les foules constituées de silhouettes, les expressions et les mouvements sont parfaitement rendus. Cependant, le sang coule et les blessures ne sont masquées. Les couleurs vives, chaudes, sont, à l’image du climat, très utilisées, rendant palpables les atmosphères tant intérieures qu’extérieures.
Un premier volume qui ouvre un récit sur une cascade d’actions, entre batailles et sièges, générant un climat ésotérique de toute beauté.
serge perraud
Emiliano Mammucari (scénario et dessin de l’acte 1), Matteo Mammucari (scénario), Alessio Avallone (dessin de l’acte 2), Luca Saponti & Adele Matera (couleur), Nero — Tome 1 : Obscurci est le soleil, ternes sont les étoiles, Dupuis, coll. “Grand Public”, février 2023, 144 p. — 23,50 €.