Philippe Charlot & Éric Hübsch, Le Royal Fondement — La face cachée du Roi-Soleil

Quand une simple fistule…

En cette année 1682, Louis XIV illu­mine la France de tous ses feux. Depuis la bou­che­rie fami­liale, Geof­froy, qui rêve d’être bar­bier, tente de convaincre des pas­sants de se faire raser. C’est en allant livrer une tête de cochon qu’il s’arrête près de l’attroupement formé autour d’un homme sorti du canal. Un chirurgien-barbier se pro­pose de le rame­ner à la vie en pra­ti­quant une étrange méthode. Geof­froy, pour briller devant une jeune femme, met en œuvre la façon dont son père ranime un veau qui tombe à l’eau. Si l’homme revient à lui, Geof­froy est empri­sonné sur plainte du chi­rur­gien.
Or, il a sauvé l’Intendant géné­ral. Celui-ci en parle au roi qui veut, alors, ren­con­trer ce jeune homme.
Dans l’antichambre où il poi­reaute, Geof­froy voit entrer un homme en tenue de nuit qui tente déses­pé­ré­ment de défé­quer der­rière un canapé. Il lui conseille de man­ger des pru­neaux et de se faire mas­ser le ventre par un ribaude. Or, Geof­froy ignore qu’il a à faire au roi…

Faire rire est plus dif­fi­cile que faire pleu­rer. Cet adage se véri­fie trop sou­vent face à des pseudos-humoristes aux plai­san­te­ries et gags écu­lés. Mais quand l’adage est bous­culé, il faut en pro­fi­ter plei­ne­ment. Et, c’est le cas avec cet album humo­ris­tique au pos­sible.
Mais, une comé­die his­to­rique est le résul­tat d’un énorme tra­vail docu­men­taire. Phi­lippe Char­lot s’est livré à des recherches appro­fon­dies pour mettre en scène les mal­heurs intes­ti­naux du Roi-Soleil. Il lui a fallu retrou­ver les trai­te­ments thé­ra­peu­tiques employés à l’époque, des médi­ca­tions que l’on trouve aujourd’hui bien far­fe­lues mais qui avaient usage légal et force de loi médicale.

C’est ainsi que le scé­na­riste a étu­dié avec soin la petite his­toire tra­quant les écrits, explo­rant l’iconographie pour évi­ter les gros­sières erreurs, les approxi­ma­tions, les ana­chro­nismes, tout en conce­vant une fic­tion aux res­sorts cocasses. Il livre ainsi un récit riche en don­nées variées. Cela va de l’invention du bis­touri recourbé aux fis­tules annales très répan­dues grâce aux nom­breux lave­ments avec des ins­tru­ments métal­liques non dés­in­fec­tés, le fonc­tion­ne­ment de la Cour…
On apprend que God save The King est, sans doute, le pla­giat d’un texte écrit en 1686 pour Louis XIV. Et madame de Main­te­non qui tient une place si importante.

Éric Hübsch s’acquitte d’un for­mi­dable des­sin semi-réaliste met­tant en images, avec un souffle et un talent cer­tain, les tri­bu­la­tions du héros en butte aux incom­mo­di­tés de Sa Majesté. S’il donne à voir de façon très humo­ris­tique des séances médi­cales, sans jamais être vul­gaire, il sai­sit à mer­veille les expres­sions que l’être humain peut avoir et en fait bel usage.
Orlane Cham­bert offi­cie à la mise en cou­leurs de ces planches tru­cu­lentes. Elle apporte sa pierre à l’édifice avec un choix de teintes d’une pré­ci­sion proche de la réalité.

Avec cet album si riche en anec­dotes, avec une intrigue où se mêle humour et drame, aven­tures et sen­ti­ments, les auteurs pro­posent une his­toire, issue de la réa­lité, de haute qua­lité.
De plus, il est fort plai­sant de savoir qu’ils tra­vaillent sur un nou­veau tome basé sur des pro­blèmes médi­caux d’Henri IV, le Vert Galant.

serge per­raud

Phi­lippe Char­lot (scé­na­rio), Éric Hübsch (des­sin) & Orlane Cham­bert (cou­leurs), Le Royal Fon­de­ment — La face cachée du Roi-Soleil, Bam­boo, label “Grand Angle”, février 2023, 72 p. — 16,90 €.

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