Un thriller au cœur de l’extrême-droite européenne
S’il peut se lire indépendamment, ce roman est la suite du Réveil de la bête (Folio Policier n° 943) où, à partir d’un meurtre, les agents d’Europol menés par le commandant Deniz Salvère ont débusqué une structure criminelle qui déploie ses tentacules sur l’Europe. Il leur faut remonter aux commanditaires.
Si la capitaine Elsa Miletti a élucidé le meurtre de Maryam Binebine dans le roman précédent, elle n’est pas retenue pour faire partie de l’équipe qui s’implante à Berlin sous la houlette de Deniz Salvère. Celui-ci a convaincu la direction d’Europol d’implanter un groupe spécifique dans la capitale allemande. Ce qu’ils sont découvert sur cette usine de pirates informatiques, qu’ils appellent la Fabrique de Dresde, les ramène sans cesse à ces deux villes.
Une femme décrit ce qu’elle vit avec Gert, sa violence et ses excès. Mais, elle est ravie, sa vie morne s’est animée ; elle sait cependant risquer l’accident à tout moment.
Dans le Berlin ex-RDA, Tom, un adolescent, du haut de son neuvième étage voit un homme entrer dans cet immeuble fermé depuis plus de vingt ans, un immense édifice muré. Mais avec ses amis, ils ne trouvent aucune ouverture vers l’endroit où l’homme a disparu.
Paula Bokova a adhéré à ce Parti slovaque, il y a dix ans et en a gravi presque tous les échelons. Elle est députée européenne. Elle est un peu inquiète à l’idée de cette invitation à Berlin, de cette rencontre avec Gerhardt. Celui-ci croit en elle persuadé qu’elle a l’étoffe.
Le pôle berlinois est fin prêt pour démanteler l’organisation criminelle qui développe ses réseaux clandestins dans toute l’Europe…
L’auteur décrit par le menu le travail des enquêteurs sur le terrain, ces fonctionnaires européens mal acceptés des acteurs des structures locales. Mais, il n’occulte pas leur morgue, voire un certain mépris. En contrepartie, il explicite la fragilité de leur position, les tensions auxquelles ils sont soumis, les réseaux de soutien ou ceux qui s’acharnent à leur mise au placard voire à leur perte.
Il raconte le fonctionnement, les rivalités, les ambitions des uns et des autres au sein d’Europol, la lenteur administrative, les problèmes de budgets entre les différentes composantes. En effet, cet Europol est chargé de trois grandes missions que sont la lutte contre le terrorisme, la cybercriminalité et le grand banditisme. De plus, ils sont contraints par le climat politique qui règne au cœur des instances européennes où les nationalistes s’implantent avec succès. Et ceux-ci n’hésitent pas à employer des méthodes terroristes au nom de leur idéologie d’extrême-droite, méthodes criminelles utilisées également par des États mafieux.
Le romancier mène un travail précis sur les procédés utilisés par l’ultra-droite pour récolter des fonds, infléchir des tendances, soutenir financièrement ses candidats, l’achat de votes dans des cités paupérisés, le phishing et rançonnage numérique, allant jusqu’au meurtre pour l’élimination de témoins.
Avec Retour à Berlin, Jacques Moulins offre un roman captivant de bout en bout, documenté et habilement précis, variant les intervenants et les intrigues jusqu’à un dénouement ouvert vers d’autres enquêtes.
serge perraud
Jacques Moulins, Retour à Berlin, Folio Policier n° 975, novembre 2022, 368 p. — 8,40 €.