Après Mademoiselle Baudelaire, une biographie de Jeanne Duval, une des quatre muses qui ont compté dans la vie et dans l’inspiration de Charles Baudelaire, Bernard Yslaire illustre le recueil original des Fleurs du mal.
Le poète qui a laissé à la postérité une œuvre controversée, publie le 25 juin 1857, à 36 ans, une première série de poèmes sous le titre les Fleurs du mal.
Le recueil qui comporte cent textes fait scandale. Baudelaire et son éditeur sont condamnés à une forte amende et à la prison avec sursis.
C’est en 1861 que paraît une nouvelle édition enrichie de trente-deux fleurs, mais amputée des six pièces qui ont outragé le plus la morale publique et offensé la morale religieuse. Il faut attendre … 1949 pour que la censure soit levée.
Quatre femmes ont inspiré le poète. Outre Caroline Aupick, sa mère, ce sont Jeanne Duval et Marie Daubrun, toutes deux métisses, ainsi qu’Appolinie Sabatier. Cette dernière est immortalisée dans une sculpture d’Auguste Clésinger, Femme mordue par un serpent, statue à admirer au Musée D’Orsay.
Yslaire,avec sa série de neuf volumes de Sambre, a été inspiré par le romantisme de Baudelaire, aussi romantique que maudit comme se devait de l’être tout poète au XIXe siècle. Mais, s’il est admiratif de l’œuvre, transporté par l’aura qui s’en dégage, il décrit un personnage qu’il trouve peu sympathique s’interrogeant sur celui qui, cent cinquante ans après, incarne encore un tel courant.
En effet, pour lui, c’était : «”…un petit bourgeois, un enfant gâté, misogyne, cynique et manipulateur, provoquant et fanfaron, critique acerbe, jaloux, méchant et méprisant la démocratie.” Mais il a laissé de si beaux vers sur l’amour…
Et l’illustrateur réussit la gageure de traduire graphiquement l’inspiration favorite de l’écrivain, partant de rêveries digressives, de ces états seconds favorisés par une dépendance à l’alcool, au Laudanum et à la progression de la syphilis. Il retranscrit, dans ses dessins, l’état halluciné du poète, se référant à certaines visions tirées de poèmes.
Il livre toute la crudité et l’obscénité de certains textes et fait ressentir par des détails expressionnistes, à mi-chemin entre le cauchemar et la réalité, le quotidien de Charles.
C’est ainsi qu’il réalise plus d’une centaine de dessins qu’il propose aux regards des lecteurs ajoutant une dimension presque cosmique aux poèmes en regard des illustrations. On est à ce point fasciné par cette réécriture graphique qu’on oublie presque le texte qui l’a suscitée.
Absolument fabuleux !
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serge perraud
Les Fleurs du mal par Charles Baudelaire — Poèmes illustrés par Bernard Yslaire, édition originale de 1857, Dupuis, coll. “Aire Libre”, novembre 2022, 256 p. — 35,00 €.