L’apparence intime des femmes selon Elena Bibolotti — entretien avec l’écrivaine (Mature)

Renver­sant les rôles sté­réo­ty­pés, les héroïnes d’Elena Bibo­lotti n’attendent rien des hommes sinon la jouis­sance qu’ils peuvent leur don­ner pour peu qu’ils soient atten­tifs et doués. Les ques­tions d’âge ne comptent plus, mais de telles femmes ne leur donnent jamais la clé de leur secret — juste celui et pro­vi­soi­re­ment de leur corps.
Indif­fé­rentes mais char­meuses, elles décroisent sim­ple­ment les jambes sachant que l’improbable advient alors avec la poi­gnante sim­pli­cité des choses inévi­tables. De leurs hanches, leur poi­trine coulent des myriades d’images. Res­tent les longues par­ti­tions des allées de leurs jambes. D’invisibles cou­rants les relient à celles ou ceux qu’elles se donnent en partage.

Elena Bibo­lotti crée ainsi une inson­dable pro­fon­deur de vie par effet de surface

Entre­tien : 

Qu’est-ce qui vous fait sor­tir du lit le matin?
La curio­sité de savoir com­ment la jour­née va se pas­ser. Et puis l’amour, bien sûr.

Que sont deve­nus vos rêves d’enfance ?
L’équilibre de ma vie est glo­ba­le­ment posi­tif. J’ai fré­quenté l’Académie natio­nale d’art dra­ma­tique, j’ai joué avec des met­teurs en scène qui m’ont beau­coup appris et main­te­nant je consacre mon temps à l’écriture.

A quoi avez-vous renoncé ?
A être mère.

D’où venez-vous ?
De Bari, dans les Pouilles, une ville que j’adore mais que je ne fré­quente pas autant que je le voudrais.

Quelle est la pre­mière image qui vous a frappé ?
Bien que fille de parents laïcs, j’ai passé beau­coup de temps à l’église, je fai­sais aussi par­tie de la cho­rale. Dans l’oratoire, il y avait de nom­breuses repro­duc­tions de pein­tures célèbres. La tor­ture de Sant’Agata par Sebas­tiano del Piombo avec ses seins nus et tor­tu­rés, que j’ai revu au Palazzo Pitti, m’a pro­fon­dé­ment frap­pée. Je pense que l’iconographie sacrée est très simi­laire à cer­taines scènes de séances sado­ma­so­chistes, même le sen­ti­ment de gra­ti­tude, l’extase que les sujets bru­ta­li­sés ont dans le regard. En fin de compte, la foi est comme l’amour, c’est une dévo­tion totale à quelque chose qui n’est pas vu.

Et le pre­mier livre ?
“Pippi Long­sto­cking” par Astrid Lind­gren. J’étais fas­ciné par le fait qu’elle vivait seule et libre avec un singe et un cheval.

Com­ment pouvez-vous par­ler de votre vision du corps ?
Je me sou­cie beau­coup de ma forme phy­sique, l’activité spor­tive, que je pra­tique quo­ti­dien­ne­ment, est aussi impor­tante pour moi que la médi­ta­tion. Mais je trouve les corps impar­faits très sen­suels ; mes per­son­nages sont presque tou­jours hors de forme, cer­tai­ne­ment très loin des canons de beauté d’aujourd’hui. Pour moi, il est beau­coup plus amu­sant de rendre dési­rable ce qui ne l’est pas, plu­tôt que de se fier pares­seu­se­ment à un sté­réo­type qui plaira sûre­ment à pre­mière vue. La beauté m’ennuie, je la trouve dépour­vue de vita­lité. Un corps dési­rable est un corps qui pal­pite, qui s’avère capable de dépas­ser ses limites.

A qui n’avez-vous jamais osé écrire ?
Je crois au karma, et la vie m’a tou­jours offerte la pos­si­bi­lité de rat­tra­per mes erreurs, de m’excuser, de cla­ri­fier, au moins avec les gens qui me sont chers.

Qu’est-ce qui vous dis­tingue des autres pho­to­graphes ?
J’aime vivre la vie des autres, et la mienne est une recherche qui com­mence de loin, de l’enfance, parce qu’en fin de compte, jouer est un jeu, comme vous Fran­çais disez, et aussi écrire. L’écriture m’offre la pos­si­bi­lité de vivre « des vies qui ne sont pas les miennes », citant un beau livre de Car­rère, un autre écri­vain que j’aime. Aujourd’hui, nous écri­vons sur­tout sur nous-mêmes, ce que j’ai fait dans mon pre­mier roman, Jus­tine 2.0, mais je pré­fère lais­ser cela à mon ima­gi­na­tion, il me vient natu­rel­le­ment de connaître le monde, et de le sen­tir, avec d’autres yeux.

Où et com­ment cela fonctionne-t-il ?
Je vis et tra­vaille sur le lac de Brac­ciano, dans une mai­son enso­leillée, entou­rée d’un jar­din. J’écris tous les jours. Comme lorsque je jouais, ma jour­née est consa­crée à l’activité créa­tive. Je suis au bureau vers cinq heures de l’après-midi, entou­rée de bou­gies. Je relis et enri­chis les pages écrites la veille, de trois à cinq dos­siers, puis je conti­nue. Quand je suis devant, disons qua­rante dos­siers, je com­mence à lire depuis le début tous les jours et à réécrire. C’est une écri­ture stra­ti­forme, où le « avant » est affecté par « l’après » et non l’inverse. Je n’utilise pas de dia­grammes ou d’échelles. Je ne pré­pare pas de feuilles de per­son­nages, même pour les romans les plus longs et les plus cho­raux. J’aime être sur­prise. Rien n’est décidé à l’avance. Ce sont les images qui me par­viennent avant l’histoire. Le soir, je prends des notes, à la main.

Quel est le livre que vous aime­riez relire ?
Romain Gary fait par­tie de mes trente auteurs pré­fé­rés. J’ai aussi écrit une nou­velle sur lui. J’ai lu tout ce qui a été tra­duit en Ita­lie par la mai­son d’édition Neri Pozza. « Les racines du ciel », « L’éducation euro­péenne » et l’auto-interview pro­phé­tique « La nuit sera calme » sont des livres inou­bliables, mais je trouve « La pro­messe de l’aube » un véri­table chef-d’œuvre. Mais main­te­nant, j’en ai trouvé un mil­lier d’autres que j’aimerais relire…

Quand vous vous regar­dez dans le miroir, qui voyez-vous ?
Une femme que j’aime beau­coup et qui a encore des rêves de seize ans.

De quels artistes vous sentez-vous le plus proche ?
Cer­tai­ne­ment de Sade. Incom­pris, argu­men­ta­tif, iro­nique, en colère, hési­tant. Haï et oublié, incom­pris sur­tout ici, parce qu’il racon­tait son temps, l’immoralité qui régnait en maître. Cathe­rine Mans­field, extra­or­di­naire écri­vain de nou­velles et amou­reuse de l’amour et peut-être pour cette rai­son qui s’est retrou­vée dans de mau­vaises rela­tions. J’aime son écri­ture sèche, le fait qu’elle nous donne des moments de vie sans véri­table début ni fin, des pho­to­gra­phies, des ins­tan­ta­nés de sen­ti­ments. Anton Tche­khov, géné­reux avec ses collègues.

Qu’aimeriez-vous rece­voir pour votre anni­ver­saire ?
Un livre, bien sûr. Des cahiers. Mais aussi un week-end dans un spa.

Que défendez-vous ?
L’égalité sociale. La paix.

Qu’est-ce qui ins­pire la phrase de Lacan « L’amour, c’est don­ner quelque chose que vous n’avez pas à ceux qui ne veulent pas savoir » ?
Cet amour struc­tu­rel ne peut avoir de limites. Lorsque vous aimez vrai­ment, il n’y a pas d’obstacles à ce qui est possible.

Et que pensez-vous de cette phrase de W. Allen : « la réponse est oui, mais quelle était la ques­tion ? »
Qu’il faut être accueillant, tout essayer sans trop y penser.

Pré­sen­ta­tion, entre­tien et tra­duc­tion réa­li­sés par jean-paul gavard-perret, pour lelitteraire.com, le 30 octobre 2022.

ver­sion ita­lienne de l’entretien :

Che cosa la fa alzare dal letto la mat­tina?
La curio­sità di sapere come andrà la gior­nata. E poi l’amore, ovvio.

Che ne è stato dei suoi sogni di bam­bino?
Il bilan­cio della mia vita è tutto som­mato posi­tivo. Ho fre­quen­tato l’Accademia nazio­nale di Arte dram­ma­tica, ho reci­tato con registi che mi hanno inse­gnato molto e adesso dedico il mio tempo alla scrittura.

A che cosa ha rinun­ciato?
A essere madre.

Da dove viene?
Da Bari, in Puglia, città che amo ma che non fre­quento quanto vorrei.

Quale à la prima “image” che ha col­pita i suoi emo­zioni ?
Pur figlia di geni­tori laici tras­cor­revo molto tempo in chiesa, facevo anche parte del coro. In ora­to­rio c’erano nume­rose ripro­du­zioni di famosi dipinti. Il sup­pli­zio di Sant’Agata di Sebas­tiano del Piombo con i seni nudi e mar­to­riati, che rividi a Palazzo Pitti, mi colpì nel pro­fondo. Penso che l’iconografia sacra sia molto simile a certe scene di ses­sioni sado­maso, anche il senso di gra­ti­tu­dine, l’estasi che i sog­getti bru­ta­liz­zati hanno nello sguardo. In defi­ni­tiva la fede è come l’amore, è devo­zione totale verso qual­cosa che non si vede.

E il primo libro ?
Pippi Cal­ze­lun­ghe di Astrid Lind­gren. Mi affas­ci­nava il fatto che vivesse da sola e libera con una scim­mia e un cavallo.

Come puo par­lare della sua visione del corpo ?
Tengo mol­tis­simo alla mia forma fisica, l’attività spor­tiva, che pra­tico quo­ti­dia­na­mente, è impor­tante per me quanto la medi­ta­zione. Ma trovo molto sen­suali i corpi imper­fetti; i miei per­so­naggi sono quasi sempre fuori forma, sicu­ra­mente lon­ta­nis­simi dagli odierni canoni di bel­lezza. Per me è molto più diver­tente ren­dere desi­de­ra­bile ciò che non lo è, piut­tosto che affi­darmi pigra­mente a uno ste­reo­tipo che sicu­ra­mente pia­cerà al primo sguardo. La bel­lezza mi annoia, la trovo priva di vita­lità. Un corpo desi­de­ra­bile è un corpo che pal­pita, che si dimos­tra in grado di super­are i pro­pri limiti.

Ha chi non ha mai osata scri­vere ?
Credo nel karma, e la vita mi ha sempre offerto l’opportunità di ripa­rare agli errori, di doman­dare scusa, di chia­rire, per lo meno con le per­sone cui tengo.

Che cosa la contrad­dis­tingue dagli altri foto­grafi ?
Amo vivere le vite degli altri, e la mia è una ricerca che parte da lon­tano, dall’infanzia, per­ché in defi­ni­tiva reci­tare è un gioco, come dite voi fran­cesi, e anche scri­vere. La scrit­tura mi offre l’opportunità di vivere “vite che non sono la mia”, citando un bel­lis­simo libro di Car­rère, altro scrit­tore che amo. Oggi si scrive per lo più di se stessi, cosa che ho fatto nel mio primo romanzo, Jus­tine 2.0, ma pre­fe­risco las­ciar fare alla mia fan­ta­sia, mi viene natu­rale conos­cere il mondo, e sen­tirlo, con altri occhi.

Dove e come lavora?
Vivo e lavoro sul lago di Brac­ciano, in una casa piena di sole, cir­con­data da un giar­dino. Scrivo ogni giorno. Come quando reci­tavo, la mia gior­nata è fina­liz­zata all’attività crea­tiva. Sono allo scrit­toio attorno alle cinque del pome­rig­gio, cir­con­data da can­dele. Rileggo e arric­chisco le pagine scritte il giorno pre­ce­dente, dalle tre alle cinque car­telle, poi pro­se­guo. Quando sono avanti, diciamo qua­ranta car­telle, rico­min­cio a leg­gere dall’inizio ogni giorno e a ris­cri­vere. Si tratta di una scrit­tura stra­ti­forme, dove il “prima” risente del “dopo” e non vice­versa. Non uso schemi né sca­lette; non pre­paro schede dei per­so­naggi nem­meno per i romanzi più lun­ghi e corali. Amo sor­pren­dermi. Nulla è deciso prima. Sono le imma­gini a rag­giun­germi prima della sto­ria. Di notte prendo appunti, a mano.

Qual è il libro che le pia­ce­rebbe rileg­gere?
Romain Gary è tra i miei trenta autori pre­fe­riti. Su di lui ho anche scritto un rac­conto. Ho letto tutto ciò che è stato tra­dotto in Ita­lia dalla casa edi­trice Neri Pozza. “Le radici del cielo”, “Edu­ca­zione euro­pea” e la pro­fe­tica autoin­ter­vista “La notte sarà calma” sono libri indi­men­ti­ca­bili, ma trovo “La pro­messa dell’alba” un auten­tico capo­la­voro. Ma adesso me ne son venuti in mente mille altri che vor­rei rileggere…

Quando si guarda nello spec­chio chi vede ?
Una donna che mi piace molto e che ha ancora sogni da sedicenne.

Quali sono gli artisti a cui si sente più vicino? Sicu­ra­mente de Sade. Incom­preso, pole­mico, iro­nico, rab­bioso, ondi­vago. Odiato e dimen­ti­cato, frain­teso soprat­tutto qui da noi, per­ché rac­con­tava il suo tempo, la scos­tu­ma­tezza che regnava sovrana. Cathe­rine Mans­field, straor­di­na­ria scrit­trice di rac­conti e inna­mo­rata dell’amore e forse pro­prio per­ciò finita in rela­zioni sba­gliate. Di lei amo la scrit­tura asciutta, il fatto che ci res­ti­tuisca momenti di vita senza un vero inizio né una fine, foto­gra­fie, istan­ta­nee dei sen­ti­menti. Anton Cechov, gene­roso con i colleghi.

Che cosa vor­rebbe rice­vere per il suo com­pleanno?
Un libro, ovvia­mente. Qua­derni. Ma anche un fine set­ti­mana in un cen­tro benessere.

Che cosa difende?
L’uguaglianza sociale. La Pace.

Che cosa le ispira la frase di Lacan “L’Amore è dare qual­cosa che non si ha a chi non non ne vuol sapere”?
Che strut­tu­ral­mente l’amore non può avere limiti. Quando si ama vera­mente non esis­tono osta­coli a ciò che è possibile.

E che cosa pensa di questa frase di W. Allen: “la ris­posa è si’, ma qual era la domanda?“
Che dob­biamo essere acco­glienti, pro­vare tutto senza pen­sarci troppo.

 

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