Le dernier tome de cette trilogie ambitieuse met le point final à la volonté d’écrire une autre histoire par la pression d’une fiction qui veut peser sur la réalité avec à la manette “Titanes” et “samouraïas” dont les existences transforment jusqu’à l’idée de roman tant il prend ici une puissance et une réalités exponentielles.
Celle qui cofonda le MLF puis le Fhar poursuit ainsi son combat par l’arme de la fiction dystopique, là où la société patriarcale s’épuise. Le militantisme prend un nouvel axe d’approche et un prolongement là où une évolution imprévue s’enracine.
Ce versant de la pensée d’eaubonnienne est neuve. Jusque-là, c’était au nom d’Antigone, d’Esmeralda, de Blanche-Neige, de Mélusine de Solanas et Théroigne que la fiction permettait par la puissance de l’imaginaire d’alimenter la réflexion et les débats actuels pour que naisse une histoire qui lie le féminisme et l’écologie afin que le champ du possible reste une hypothèse positive.
Ici, c’est un homme qui parle et prend le relais pour mieux raconter la guerre des sexes au moment où l’Australie est devenue une terre de la misogynie la plus crasse, qui ne voit les femmes qu’en tant que reproductrices, esclaves sexuelles ou servantes au sein d’un système productiviste qui extermine le vivant.
Le récit est haletant et il multiplie intrigues, personnages et rebondissements. La dystopie devient le moyen de souligner la condamnation à mort d’un système poussé à l’extrême dans son agonie convulsive prête à s’emparer de toute la planète et de l’espèce humaine.
Dès lors, le féminisme ne doit pas seulement libérer la femme, mais l’humanité “en arrachant le monde à l’homme pour le transmettre à l’humanité de demain”. Existe là une réflexion sur ce qui en train d’arriver dans le monde et ses poussées fascisantes envers les femmes comme envers les conditions de survie climatique de l’espèce humaine.
jean-paul gavard-perret
Françoise d’Eaubonne, Un bonheur viril — La trilogie de losange, tome III, Editions de Femmes — Antoinette Fouque, Paris, 10 novembre 2022, 248 p. — 20,00 €.