Flavie Leroux,L’autre famille royale. Bâtards et maîtresses, d’Henri IV à Louis XVI

Adul­tère et absolutisme

L’abso­lu­tisme ne consti­tuait pas un pou­voir sans limite, un des­po­tisme qui aurait per­mis au roi de France d’agir selon son bon plai­sir. L’étude très inté­res­sante de Fla­vie Leroux nous le prouve. En effet, en se pen­chant sur les familles adul­té­rines des rois Bour­bons, elle met en lumière cette ten­ta­tion d’outrepasser cer­taines limites que les lois fon­da­men­tales du royaume impo­saient encore aux sou­ve­rains du plus puis­sant royaume d’Europe.
Henri IV ne fut pas , loin de là, le pre­mier sou­ve­rain à accu­mu­ler maî­tresses et bâtards mais il ins­ti­tu­tion­na­lisa en quelque sorte son adul­tère avec Gabrielle d’Estrées en légi­ti­mant les enfants qu’elle lui donna, allant jusqu’à envi­sa­ger un mariage en bonne et due forme. Même une fois marié à la toni­truante Marie de Médi­cis et père d’une famille légi­time, il n’en éta­blit pas moins sa “famille paral­lèle”, tous ses enfants étant éle­vés ensemble et les bâtards éta­blis.  A ce pro­pos, le livre montre très bien que l’Ancien régime repose sur un cor­pus légis­la­tif très rigou­reux en matière de mariage, de pro­créa­tion, de famille et de succession.

En fait, ce que remettent en cause Henri IV et Louis XIV, c’est la “tâche” de la bâtar­dise, la forme d’exclusion dont souf­fraient les enfants issus d’une rela­tion extracon­ju­gale ; et ce, en les légi­ti­mant, en leur don­nant un rang, un titre, une posi­tion. Le Roi Soleil alla jusqu’à fran­chir les limites de l’acceptable en ouvrant la suc­ces­sion à ses fils illé­gi­times nés de ses amours avec Mme de Mon­tes­pan, ce que la Cour mais aussi la société ne pou­vaient pas ava­li­ser.
De seconds après les princes du sangs, ils deve­naient leurs égaux. “Il rompt, nous dit l’auteur, avec les règles de dévo­lu­tion dynas­tique repo­sant sur la nais­sance en légi­time mariage, pour pri­vi­lé­gier la des­cen­dance issue de lui seul.” Or, le roi de France ne choi­sis­sait pas son héri­tier. Même Louis XIV. Très vite, après sa mort, tout son écha­fau­dage fut détricoté.

En fin de compte, le fidèle et ver­tueux Louis XVI souf­frit de cet héri­tage , d’abord avec son image de roi “impuis­sant”, ensuite avec celle de sa femme, Marie-Antoinette, sur laquelle retom­bèrent les accu­sa­tions d’adultère autre­fois réser­vées au sou­ve­rain. Et en refer­mant ce livre ori­gi­nal et sti­mu­lant, une réflexion vient à l’esprit. Nous vivons une époque où le mariage est en miettes et où les mœurs sont tota­le­ment “libé­rées”, où cha­cun peut mener la vie sexuelle qu’il veut. Or, aucune société vivant encore sous un sys­tème monar­chique, n’accepterait une vie d’adultère de la part de son sou­ve­rain. Charles III d’Angleterre en sait quelque chose… En le dépouillant de ses pou­voirs, le peuple a exigé de son monarque une vie irré­pro­chable puisqu’il ne lui reste qu’une fonc­tion : incar­ner ce peuple.

fre­de­ric le moal

Fla­vie Leroux, L’autre famille royale. Bâtards et maî­tresses, d’Henri IV à Louis XVI, Passés/Composés, octobre 2022, 272 p. — 22,00 €.

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