Cartographie
La première chose qui frappe à la lecture de la pièce La mort d’Orkhon de Finn Iunker, c’est l’importance donnée aux destinations. Les personnages seront ballotés de lieu en lieu, de continent en continent, traverseront l’Asie, l’Eurasie, l’Europe. Et tout cela parce qu’ils ont rencontré le théâtre, activité qui leur permettra de quitter les égouts de Oulan-Bator.
Pour finir, les personnages se trouveront, et peut-être seront-ils sauvés ?
Cette histoire m’a rappelé celle de ces musiciens congolais, mis au ban de la société à cause de leur santé — 16 musiciens atteint de poliomyélite — et qui ont fini par conquérir la Croisette à Cannes grâce à un film, le long métrage Benda Bilili ! En un sens, cette fable de la pièce est réaliste.
MARAA
Tu veux dire qu’on va faire la route jusqu’à Londres ? Jusqu’à l’Ouest ? Jusqu’à l’Angleterre ? En Europe ? (Tuul acquiesce.) A travers la Russie ? A travers toute la Russie ?
TUUL
Je ne sais pas. Ivan travaille sur la question. Sans doute.
MARAA
Mais on ne parle pas russe.
Cette cartographie des continents, qui conduit à la résilience ces 5 personnages, 5 enfants pauvres, n’est pas sans centre. Pour axe, ils ont une sorte de tribut à travers l’homme assommé et pris pour mort qui fait l’effet de ce fameux cadavre qui grandit dans Amédée ou Comment s’en débarrasser de Ionesco, qui n’est autre que l’auteur lui-même, personnage muet de la pièce.
Cette cartographie est d’abord fondée sur un horizon d’attente, une tentative de fuir la pauvreté et la maladie des égouts de la capitale de la Mongolie.
La survie, l’anxiété du lendemain, le malheur de la pauvreté, le malheur de la mort, la délinquance obligée, forment les images d’arrière-fond de ce travail littéraire. Nous sommes donc peut-être plus dans la mythologie (Icare, Dédale, Le Minotaure, Œdipe) que dans une pièce purement réaliste.
Le théâtre est un lieu où tout est possible, lieu d’intelligence où la société se regarde, se juge, s’interroge. Et ces 5 délinquants l’ont bien compris, eux qui sont le refoulé de notre société globalisée.
Le théâtre est un monde et le monde se miroite sur la scène du théâtre par la parole, parole venue parfois du sordide, ou de la banalité de la souffrance. Toujours est-il que l’écriture théâtrale de Finn Iunker plonge dans un style direct et qui atteint nettement le problème qu’elle se pose.
Il faut aussi saluer le travail des éditions les bras nus qui produisent de petits livres, à la police de caractère intéressante, sorte de fascicule tout comme les fameux Tapuscrits du Théâtre ouvert, qui rendent accessibles des textes d’exploration.
Didier Ayres
Finn Iunker, La mort d’Orkhon, trad. Maruen Marin, éd. les bras nus, 2022 - 9,00 €.
Finn Iunker, La mort d’Orkhon
La première chose qui frappe à la lecture de la pièce La mort d’Orkhon de Finn Iunker, c’est l’importance donnée aux destinations. Les personnages seront ballotés de lieu en lieu, de continent en continent, traverseront l’Asie, l’Eurasie, l’Europe. Et tout cela parce qu’ils ont rencontré le théâtre, activité qui leur permettra de quitter les égouts de Oulan-Bator.
Pour finir, les personnages se trouveront, et peut-être seront-ils sauvés ?
Cette histoire m’a rappelé celle de ces musiciens congolais, mis au ban de la société à cause de leur santé — 16 musiciens atteint de poliomyélite — et qui ont fini par conquérir la Croisette à Cannes grâce à un film, le long métrage Benda Bilili ! En un sens, cette fable de la pièce est réaliste.
MARAA
Tu veux dire qu’on va faire la route jusqu’à Londres ? Jusqu’à l’Ouest ? Jusqu’à l’Angleterre ? En Europe ? (Tuul acquiesce.) A travers la Russie ? A travers toute la Russie ?
TUUL
Je ne sais pas. Ivan travaille sur la question. Sans doute.
MARAA
Mais on ne parle pas russe.
Cette cartographie des continents, qui conduit à la résilience ces 5 personnages, 5 enfants pauvres, n’est pas sans centre. Pour axe, ils ont une sorte de tribut à travers l’homme assommé et pris pour mort qui fait l’effet de ce fameux cadavre qui grandit dans Amédée ou Comment s’en débarrasser de Ionesco, qui n’est autre que l’auteur lui-même, personnage muet de la pièce.
Cette cartographie est d’abord fondée sur un horizon d’attente, une tentative de fuir la pauvreté et la maladie des égouts de la capitale de la Mongolie.
La survie, l’anxiété du lendemain, le malheur de la pauvreté, le malheur de la mort, la délinquance obligée, forment les images d’arrière-fond de ce travail littéraire. Nous sommes donc peut-être plus dans la mythologie (Icare, Dédale, Le Minotaure, Œdipe) que dans une pièce purement réaliste.
Le théâtre est un lieu où tout est possible, lieu d’intelligence où la société se regarde, se juge, s’interroge. Et ces 5 délinquants l’ont bien compris, eux qui sont le refoulé de notre société globalisée.
Le théâtre est un monde et le monde se miroite sur la scène du théâtre par la parole, parole venue parfois du sordide, ou de la banalité de la souffrance. Toujours est-il que l’écriture théâtrale de Finn Iunker plonge dans un style direct et qui atteint nettement le problème qu’elle se pose.
Il faut aussi saluer le travail des éditions les bras nus qui produisent de petits livres, à la police de caractère intéressante, sorte de fascicule tout comme les fameux Tapuscrits du Théâtre ouvert, qui rendent accessibles des textes d’exploration.
Didier Ayres
Finn Iunker, La mort d’Orkhon, trad. Maruen Marin, éd. les bras nus, 2022 - 9,00 €.
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