Antoine Boulant, Robespierre. La vertu et la Terreur

Portrait d’un fanatique

Le livre sur Robes­pierre d’Antoine Bou­lant, his­to­rien et auteur de plu­sieurs livres tout à fait remar­quables sur la Révo­lu­tion, n’est pas une énième bio­gra­phie de l’Incorruptible.

Tout d’abord parce qu’elle est publiée dans la très belle col­lec­tion édi­tée chez Per­rin sous la direc­tion de Charles-Eloi Vial en col­la­bo­ra­tion avec la BNF. D’où la pré­sence dans le livre d’une riche et belle ico­no­gra­phie : por­traits des acteurs du temps, recons­ti­tu­tions des évè­ne­ments, repré­sen­ta­tions des lieux et bâti­ments, enri­chissent le texte, ren­dant les évè­ne­ments par­ti­cu­liè­re­ment vivants, par­fois émou­vants.
Ensuite parce l’analyse faite par Antoine Bou­lant du per­son­nage de Robes­pierre et de sa per­son­na­lité échappent aux inter­dits idéo­lo­giques encore de nos jours impo­sés par l’historiographie progressiste.

En effet, l’auteur sai­sit très tôt dans la vie du futur maître du Comité de Salut public les signes annon­cia­teurs d’une idéo­lo­gie dan­ge­reuse et d’une radi­ca­li­sa­tion : cette pro­pen­sion à se consi­dé­rer comme le défen­seur du genre humain quand il était avo­cat à Arras, cette vision déjà mani­chéenne entre les ver­tueux et les cor­rom­pus, cette fas­ci­na­tion pour l’idéal régé­né­ra­teur de Rous­seau, cette intran­si­geance et cet iso­le­ment qui déjà carac­té­risent le futur révo­lu­tion­naire qui finira par se faire une idée com­plè­te­ment abs­traite et mythi­fiée du “peuple”.

On suit ensuite non seule­ment les étapes de sa radi­ca­li­sa­tion tout au long la Révo­lu­tion mais aussi sa res­pon­sa­bi­lité dans la propre radi­ca­li­sa­tion des hommes enga­gés dans ce pro­ces­sus de construc­tion d’un monde pré­ten­du­ment meilleur.  Antoine Bou­lant sai­sit très bien l’un des res­sorts du robes­pier­risme : l’obsession des com­plots, la haine des fac­tions, la cer­ti­tude d’incarner à lui seul le peuple.
Tout cela ne rele­vait pas d’un dés­équi­libre men­tal mais d’une vision du monde intrin­sè­que­ment liée au pro­ces­sus révo­lu­tion­naire, lequel condui­sit cet homme à s’enfermer dans un monde irréel, peu­plé de com­plo­teurs d’un côté, et d’un peuple ver­tueux qui n’a en fait jamais existé de l’autre. De ce phan­tasme d’un peuple Un est né un pro­ces­sus d’élimination des adver­saires par la néga­tion même des pro­cé­dures de jus­tice les plus élé­men­taires, jusqu’à la mise en œuvre d’une exter­mi­na­tion de type géno­ci­daire en Ven­dée, pour laquelle l’auteur sous-estime sans doute la res­pon­sa­bi­lité de Robespierre.

En refer­mant ce beau livre, une évi­dence saute aux yeux : Robes­pierre, acteur cen­tral de la Révo­lu­tion dans sa phase la plus radi­cale, a par­ti­cipé à l’élaboration de la dyna­mique tota­li­taire qui, au XXe siècle, conduira aux pires horreurs.

fre­de­ric le moal

Antoine Bou­lant, Robes­pierre. La vertu et la Ter­reur, Perrin/BNF, 2022, 256 p. — 25,00 €.

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