Les éditions Do nous font souvent découvrir des écrivains à suivre, et c’est de nouveau le cas avec Michael Collado.
Cet universitaire, spécialiste de l’histoire et de la littérature mexicaines, a écrit, sur son pays de prédilection, un roman tout sauf académique : picaresque, loufoque et divertissant.
Son protagoniste, Arthur Loizeau, qui a eu un certain succès comme chanteur et qui se veut poète (écrivant tous ses textes), s’est installé à Los Angeles après avoir perdu son frère jumeau. Alors qu’il se rend au vernissage d’une artiste mexicaine, il est enlevé avec elle par des illuminés qui rêvent de restaurer le Grand Mexique d’avant l’arrivée des conquistadors. Plus délirants les uns que les autres, à commencer par l’Ogre, leur chef qui mérite bien son surnom, ils semblent drogués en permanence (au peyotl, comme le titre du roman le suggère ?), et ils sont indubitablement dangereux.
Arthur Loizeau réussira à s’enfuir de leur domaine, mais sera entraîné dans de nouvelles mésaventures par Sœur Justice, un cow-boy masqué qui a vu trop de westerns, comme Don Quichotte avait lu trop de romans de chevalerie…
L’extravagance du récit laisse deviner dès le premier chapitre qu’il peut s’agir de hallucinations ou d’un cauchemar. Cependant, Arthur Loizeau et Sœur Justice ont chacun sa logique ou sa sorte d’absurde, le narrateur apparaissant comme le plus proche du bon sens, ce qui ne facilite pas toujours leurs rapports.
Dans un contexte où la vraisemblance n’est pas de rigueur, le lecteur a l’impression que tout peut arriver, et de fait, il advient des choses fort surprenantes.
Michael Collado s’amuse (et nous fait rire) en multipliant les formes de décalage : entre les visions des choses des deux protagonistes, entre leurs références, entre les problèmes qu’ils s’attirent et le ton du récit… Mais le plus savoureux de Mexicayotl, c’est le style : baroque, parsemé de tournures inventives et de jeux de mots.
Ainsi, un personnage secondaire est désigné par la périphrase « Le père, l’office, le sain d’esprit » (p. 88) ou en termes d’ « Ami père manant » (p. 95). La réapparition d’une troupe de cirque donne l’occasion d’un clin d’œil : « Des visages familiers apparaissent ainsi, des nains sans nez, des nains balafrés, et autres militaires plumés aux yeux rouges bourgeonnant de champignons, bref tous ces gens que le lecteur n’aura pu oublier à condition bien sûr qu’il ait une mémoire fiable » (p. 199).
On a hâte de lire le prochain roman de Michael Collado, qu’on espère aussi inventif et bien enlevé que Mexicayotl.
agathe de lastyns
Michael Collado, Mexicayotl, Do, août 2022, 264 p. – 21,00 €