Deux faces du corps ou “cette désolante seconde où je me retrouvais rendu biais à moi-même”
Il est des travers du temps qui, comme ceux des ongulés, doivent être parfois tranchés pour voir ce qui se passe dedans. Il en va de même pour l’écriture.
Elle existe ici en deux pans : le poème lui-même et en face (le plus souvent) son pendant de prose qui permet parfois d’illustrer ou de préciser le propos initial.
D’où ce jeu (des plus sérieux) de “repons” pour cette diffusion de clarté “filtrée par l’imposte” où l’histoire du corps et celle de langage sont remises à plat par effet de double face.
Preuve au passage que l’un est toujours multiple comme le sens est un feuilletage sauf à tomber dans des approximations d’usage.
Il s’agit donc ici d’éviter toute simplification sans pour autant rendre la langue absconse. Ce qui est formidable chez Titus-Carmel reste son souci de clarté.
L’image lorsqu’elle n’apparait n’a qu’un but : le souci de précision et ce, dans notre panorama familier n’offrant souvent que mystère et densité là où des “tigres” pas forcément bienveillants sont là, sinon pour nous dépecer, du moins nous désunir.
Retenons donc d’un tel langage en miroir et écho l’hallucination calme qu’il suscite par plans successifs. S’y découvre une forme de perfection d’une double emprise. Elle renvoie aussi au jeu de dehors et de dedans ; cela, jusque dans des inversions de perspectives.
La présence au monde en devient exacerbée. Derrière la “feinte transparence”, entre échos et miroirs, s’instaure une forme de béance propre à suggérer, lorsque qu’elle s’impose, “l’inscrutable beauté de l’absence”.
En un mot, tout est parfait.
jean-paul gavard-perret
Gérard Titus-Carmel, Travers du temps, Editions Tarabuste, Saint-Benoît-du-Sault, mai 2022, 148 p. — 16,00 €.