Une savoureuse balade à Saint-Malo
Pour la neuvième enquête de son commissaire favori, Jörg Bong, alias Jean-Luc Bannalec, a retenu Saint-Malo.
Ces lieux sont chargés en faits historiques et la ville offre une belle gastronomie.
Dupin est en séminaire à l’École nationale de police de Saint-Malo. Chaque préfète et préfet des quatre départements bretons est accompagné du commissaire qu’il a choisi pour travailler sur l’amélioration des relations de travail dans la région. Ghenneugues a retenu Dupin, au grand dam de celui-ci qui va devoir passer une semaine en sa compagnie.
Pour l’heure, Dupin est sur le marché de Saint-Servan, dans la partie sud de Saint-Malo, pour faire provisions des spécialités culinaires locales. Soudain, des cris stridents retentissent non loin de lui. Il se précipite et voit une femme étendue, un couteau planté dans le cœur. Alors qu’il appelle des secours, une jeune fille lui indique la direction prise par celle qui a fait ça. Il se lance à sa poursuite, à pied, en voiture qu’il réquisitionne… en vain.
Figures connues de la ville, victime et tueuse sont vite identifiées. Blanche Trouin est morte sous les coups de couteau de Lucille, sa cadette. La première tient un restaurant étoilé à Dinard, la seconde un restaurant réputé à Saint-Malo. Arrêtée, Lucille ne veut rien dire. C’est Louane Huppert, la commissaire de Saint-Malo qui, se retrouve en charge de l’affaire.
Dupin est contrarié car il aurait bien voulu se mêler de cette enquête. Aussi, quand les préfets décident de mettre en pratique le thème du séminaire, Dupin s’investit. Il le faut car le lendemain, c’est le mari de Blanche qui est retrouvé, près de chez lui, poignardé…
À force de fréquenter boutiques alimentaires et restaurants gastronomiques, Jean-Luc Bannalec place son enquête au cœur de ce type d’établissements. Il fait développer une rivalité ouverte entre deux sœurs, formées au métier par leur père. Mais cette concurrence peut-elle expliquer des assassinats en série ? Le romancier est trop fine plume pour rester sur une telle approche et introduit bien d’autres motivations.
Georges Dupin se retrouve dans une situation inédite car il doit collaborer avec des confrères, à grade égal. S’il a, à Concarneau son lieu d’attache, une équipe restreinte sur laquelle il s’appuie, il reste le maître des décisions, des orientations à donner aux investigations. Ici, il doit tenir compte (quand même !), des options prises tant par les préfètes et préfets que par ses collègues. Et, en l’occurrence, il fait preuve d’un certain machisme quand il se fait la réflexion suivante concernant Louane : “De plus, la commissaire lui donnait l’impression d’être compétente.”
L’auteur, par le biais de Nolwenn, l’assistante de Georges, fait tenir des propos peu aimables sur les Malouins. Mais il introduit des pointes d’humour quand, par exemple, après le récit d’exploits de corsaires, il affirme : “Si on leur devait le café, ce ne pouvait être de mauvaises gens.“
Mêlant aisément gastronomie et assassinats, dégustations diverses et recherches de mobiles, le romancier déroule une intrigue attractive, fort subtile, nourrie de nombreux rebondissements et péripéties.
serge perraud
Jean-Luc Bannalec, Une enquête du commissaire Dupin — Crime gourmand à Saint-Malo (Bretonisches Spezialitäten), traduit de l’allemand par Pierre Malherbet, Les Presses de la Cité, coll. Thrillers, mars 2022, 400 p. – 21,00 €.