La réalisation de ses vœux n’est pas toujours bénéfique
Marin Weiss, dix-sept ans, est en colère. Ses parents refusent qu’il organise une fête avec ses copains, pour les vacances de Toussaint, la première édition ayant laissé de mauvais souvenirs. Il voudrait plus de liberté et ne plus être considéré comme un gamin. Alors qu’il se détend en se promenant sur les quais, il reçoit, sur son smartphone, un message sibyllin qui va dans le sens de son humeur : “T’en as marre de tes vieux ? Lis le SMS…” Puis, on lui propose de se connecter sur www.orphans-project.com. À partir de ce site, il commence un jeu de piste, de QR codes en QR codes jusqu’à un … photomaton. Il se retrouve dans un univers qui ressemble à celui où il vivait, mais qui diffère. Ses parents sont morts depuis un an dans un accident d’automobile. Il est fils unique. Il a été recueilli par son oncle et sa tante. Il est dans une principauté où la monnaie est l’Écu. Les portables n’existent plus puis qu’on communique par télépathie.
Dans le monde qu’il a quitté, Audrey, sa mère, et Noémie, sa sœur, tentent de le retrouver. Une amie de sa sœur, Alexia, journaliste indépendante veut enquêter sur le fonctionnement du Seahorse Institute, un mystérieux établissement, réservé à une élite friquée, dirigée par l’énigmatique Zacharie Speruto.
Claire Gratias prend, pour point de départ de son intrigue, le mal-être des adolescents, puis l’articule sur un décalage espace-temps et sur l’existence d’une étrange structure entourée d’un profond mystère. Elle dresse, pour son héros, le portrait d’un jeune adulte qui reproche à ses parents d’être trop présents, de ne pas vouloir lui laisser gérer son existence à sa guise. Mais, elle présente, en opposition, la situation inverse où un jeune homme reproche à son père d’avoir été absent de sa vie pendant toute sa jeunesse. Ainsi, elle pointe du doigt toute la difficulté d’être parent, de savoir accompagner sans guider, de guider sans contraindre, de contraindre sans tyranniser. Elle construit, avec beaucoup de soins, un groupe de personnages aux profils psychologiques approfondis, aux caractères fouillés, permettant à son intrigue de se développer harmonieusement en fonction des rôles de chacun. Elle met en place une intrigue à plusieurs niveaux, mixant une traque policière avec des sujets de fantastique, ajoutant les éléments de trames sentimentales. Elle imagine, comme à son habitude, un univers qui, même s’il parait décalé, est tout à fait cohérent.
Dans ce premier volet de sa trilogie, l’auteure jette les bases d’un récit où elle développe des actions qui suscitent nombre d’interrogations. Elle donne, au compte-goutte, quelques informations, ouvrant alors plus de questions qu’elle n’a apporté de réponses, introduisant dans le cours de son récit les éléments de modernité qui font que son roman est en phase avec les situations vécues quotidiennement par des adolescents sans les scories d’un langage trop imagé.
Double Disparition se révèle passionnant par la richesse du récit, par la galerie de personnages. Ce livre laisse subodorer une suite, tout aussi attractive, qu’on a hâte de lire en octobre.
serge perraud
Claire Gratias, Orphans, tome 1 : « Double disparition », Rageot, mars 2013, 288 p. – 12,50 €.