Lire notre critique de Ca prend. Art contemporain, cinéma et pop culture
Qu’est-ce qui vous fait lever le matin ?
Un réveil digital Thompson CP301T avec triple alarme, projection de l’heure réversible, écran LCD et fonction calendrier. Modèle blanc.
Que sont devenus vos rêves d’enfant ?
Par chance ils ne se sont pas réalisés. Etre hôtesse de l’air ou éleveuse de chien ne serait pas trop ma tasse de thé aujourd’hui.
A quoi avez-vous renoncé ?
A la joie des trous d’air et à l’odeur de chien mouillé.
D’où venez-vous ?
De la banlieue d’une petite ville suisse médiévale (Fribourg) qui a produit des meringues au vin cuit, des carnavals du tonnerre, une super cathédrale et un pilote de Formule 1 (Jo Siffert) qui a été le modèle de Steve McQueen (pas l’artiste contemporain mais l’acteur américain de Bullit) dans les années 60.
Qu’avez-vous reçu en dot ?
Une perceuse de mon père et une machine à coudre de ma mère quand je suis partie de chez moi.
Qu’avez vous dû “plaquer” pour votre travail ?
Mes ambitions d’apicultrice reprenant le flambeau d’une tradition familiale vernaculaire.
Un petit plaisir — quotidien ou non ?
Ces temps, un épisode par jour de la série HBO Girls, de et avec Lena Dunham, en mangeant des pâtes devant mon Mac à midi. Cette fille est un phénomène.
Qu’est-ce qui vous distingue des autres artistes ?
D’avoir commencé très tard.
Où travaillez vous et comment
Chez moi avec une machine à café assez lunatique et des boules Quiès souvent dépareillées.
Quelles musiques écoutez-vous en travaillant ?
N’importe quoi de Bach avant, et tout de Robert Wyatt après. Mais rien pendant.
Quel est le livre que vous aimez relire ?
Je n’ai pas l’habitude de relire. Mais je pense que je vais bientôt être prête pour David Foster Wallace. Un truc soi-disant super auquel on ne me reprendra plus en particulier.
Quel film vous fait pleurer ?
La France de Serge Bozon. En deux mots : durant la guerre de 14–18 un groupe de poilus décident de fuir les tranchées. Ils croisent une jeune femme déguisée en soldat qui cherche son mari. Ensemble,ils vont errer dans la campagne et chanter comme des casseroles avant de retrouver finalement le mari. Il y a cet acteur incroyable, François Négret. Disons que c’est quelque chose entre Le Grand Meaulnes, les films de Jacques Demy et La Nuit du Chasseur, avec une touche de Swinging London. De manière générale, les histoires de poilus m’émeuvent beaucoup.
Quand vous vous regardez dans un miroir qui voyez vous ?
Je ne sais pas trop, ça change tout le temps. Idéalement et avec beaucoup d’imagination j’aimerais bien y voir un mix de Joan Didion, Valérie Lemercier et Susan Sontag.
A qui n’avez-vous jamais osé écrire ?
A Roland Barthes. Mais il est mort à une époque où je ne le connaissais pas encore. Donc le problème ne s’est pas posé.
Quel(le) ville ou lieu a pour vous valeur de mythe ?
Le Old Faithfull Inn dans le Wyoming. Un hôtel de style National Service Rustic construit en 1903. Pour sa charpente en pin tordu époustouflante.
Quels sont les artistes dont vous vous sentez la plus proche ?
Certains petits jeunes avec qui j’ai fait mes études à l’Ecole des Beaux-Arts de Genève au début des années 2000. Aujourd’hui ils sont moins jeunes et ils m’épatent toujours. Sinon, pour citer des pointures que tout le monde connaît, Allen Ruppersberg et Louise Lawler.
Qu’aimeriez-vous recevoir pour votre anniversaire ?
L’intégrale des films de Michael Powell et Emeric Pressburger. Et une reproduction en grand du logo de leur maison de production, Archers film productions, qu’on voit au début de chaque film et qui montre une cible sur laquelle viennent se planter des flèches. Et pendant qu’on y est, un tirage original de la fameuse photo de Powell et Pressburger posant l’un à côté de l’autre, Pressburger en costume croisé les mains dans les poches, Powell avec une veste improbable et les bras ballants. Ils sourient et ils ont l’air heureux de travailler ensemble. On dirait deux gamins qui viennent de finir une cabane. Pour moi,c’est l’image idéale de la complicité, un peu comme Deleuze et Guattari dans un autre domaine. Ecrire ou filmer à quatre mains et deux cerveaux, ça doit être tellement bien.
Que défendez-vous ?
J’aimerais bien défendre la lenteur. Mais ça prend du temps.
Que vous inspire la phrase de Lacan : “L’Amour c’est donner quelque chose qu’on n’a pas à quelqu’un qui n’en veut pas”?
Il ne faut pas chercher à comprendre. Ni pour l’amour ni pour Lacan.
Enfin que pensez-vous de celle de W. Allen : “La réponse est oui mais quelle était la question ?“
C’est la version sceptique du Yes to All de Sylvie Fleury.
Propos recueillis par jean-paul gavard-perret pour lelitteraire.com en avril 2013