Le présent qui a déjà eu lieu
La scène s’ouvre sur un tableau qui présente une certaine solennité : derrière une rangée de bougies, le décor d’un appartement bourgeois est installé. Un gigantesque écran surmonte l’ensemble. Il en résulte une vue doublement biaisée sur l’action : on ne suit le jeu des comédiens qu’au moyen de la vidéo ; on ne voit le lieu de l’action que par son envers, de l’extérieur. On regarde la pièce à partir du jardin, ou du balcon, ce qui enferme les personnages dans la trame de leur histoire.
Dans cette situation de voyeurs, on assiste à un ensemble de non-événements : Julien Gosselin fait le pari de focaliser l’attention, le soin et le son sur des interactions qui sont non narratives. On a l’impression qu’il s’agit de présenter une histoire sans intérêt de façon exubérante. Autour d’un événement dramatique qui n’a pas lieu, se tisse une investigation pathétique, mise en son et images tambour battant, en contraste avec le texte.
Il en est comme si on assistait à un vaudeville se changeant en quête métaphysique sur le sens de l’existence. Un exercice de style parfaitement accompli d’un metteur en scène qui n’a plus à faire ses preuves : le propos est parfaitement maîtrisé, mais construit sur un matériau très fragile, en quoi il ne peut échapper au reproche de maniérisme. Le procédé de Julien Gosselin consiste en une surdétermination permanente des relations les plus ténues entre les êtres.
Bien sûr, la mise à distance est ironique ; bien sûr, l’inanité des êtres et des situations est surlignée. Mais assurément, quand le propos ne mobilise pas, on s’ennuie. La réunion de textes hétéroclites y est sans doute pour quelque chose. En dépit des moyens déployés (l’intervention de marionnettes, la performance des acteurs, le doublage sonore et visuel), le spectacle reste une prouesse vaine, comme un beau voilier qui gonfle ses voiles sur un lac tranquille, dans l’attente du vent qui lui donnera son souffle.
christophe giolito & manon pouliot
Le Passé
d’après Léonid Andréïev
mise en scène Julien Gosselin
Compagnie Si vous pouviez lécher mon cœur
Le Passé © Simon Gosselin
Avec Guillaume Bachelé, Joseph Drouet, Denis Eyriey, Carine Goron, Victoria Quesnel, Achille Reggiani, Maxence Vandevelde.
Traduction André Markowicz ; dramaturgie Eddy d’Aranjo ; scénographie Lisetta Buccellato ; musique Guillaume Bachelé Maxence Vandevelde ; lumière Nicolas Joubert ; vidéo Jérémie Bernaert Pierre Martin ; son Julien Feryn ; costumes Caroline Tavernier Valérie Simonneau ; accessoires Guillaume Lepert ; masques Lisetta Buccellato Salomé Vandendriessche.
Au théâtre de l’Odéon, place de l’Odéon, 75006 Paris,
du 2 au 19 décembre 2021 durée 4h30 (2h15/entracte/1h45)
spectacle déconseillé aux spectateurs de moins de 15 ans.
Spectacle créé le 10 septembre 2021 au Théâtre national de Strasbourg production Si vous pouviez lécher mon cœur coproduction Odéon-Théâtre de l’Europe, Festival d’Automne à Paris, Le Phénix – scène nationale de Valenciennes pôle européen de création, Théâtre national de Strasbourg, Théâtre du Nord – centre dramatique national Lille Tourcoing Hauts-de-France, Célestins – Théâtre de Lyon, Théâtre national populaire, Maison de la culture d’Amiens, L’Empreinte – scène nationale Brive– Tulle, Château Rouge – scène conventionnée à Annemasse, Comédie de Genève, Wiesbaden Biennale, La Passerelle – scène nationale de Saint-Brieuc, Scène nationale d’Albi, Romaeuropa avec l’aide du ministère de la Culture avec la participation artistique du Jeune théâtre national avec le soutien de Montévidéo – centre d’art, du T2G – Théâtre de Gennevilliers Julien Gosselin et Si vous pouviez lécher mon cœur sont artistes associés au pôle européen de création, Le Phénix – scène nationale de Valenciennes, au Théâtre national de Strasbourg et au Théâtre Nanterre-Amandiers Si vous pouviez lécher mon cœur est soutenu par le ministère de la Culture – Direction régionale des affaires culturelles Hauts-de-France, la région Hauts-de-France et la ville de Calais. La compagnie bénéficie du soutien de l’Institut français pour ses tournées à l’étranger avec le Festival d’Automne à Paris.
Tournée 2022
14 et 15 janvier — Espace des Arts, scène nationale Chalon-sur-Saône
28 et 29 janvier — Le Phénix, scène nationale de Valenciennes
23 et 24 février — Maison de la culture d’Amiens
31 mars et 1er avril — L’Empreinte, scène nationale Brive-Tulle
24 et 25 mars — Bonlieu, scène nationale d’Annecy
14 et 15 avril — Scène nationale d’Albi
11 et 12 mai — Château Rouge, Annemasse
20 au 25 mai — Célestins, Théâtre de Lyon
Juillet — V-A-C, Moscou
1er septembre — Wiesbaden Biennale
8 et 9 octobre — Romaeuropa.