L’amant est un instrument, le mari domine illusoirement, la femme triomphe
De gigantesques troncs d’arbre jonchent la scène. Les acteurs se déplacent dessus avec une prudence qui rend leurs mouvements précaires. Ce sont d’abord des dialogues prosaïques entre une femme et son mari sur des affaires de contrebande. Le spectacle présente une série de tableaux séparés par des intermèdes musicaux, constitués du même thème. Durant ce temps, qui scande l’évolution insensible de l’intrigue et des caractères, le décor est éclairé en contrejour. Une banale chronique de manigances frontalières, devenant duel domestique, va jusqu’à prendre des allures de drame existentiel. Un jeu de séduction, initié pour des raisons frauduleuses, se retourne contre son instigateur, échappe aux protagonistes, révélant la féminité à elle-même.
On assiste à la transformation progressive de la femme, incarnée avec grandeur, acuité et simplicité par Birgit Minichmayr. La pièce développe une vision incisive du changement de caractère féminin à la suite d’une blessure. Une fois le cœur atteint, le vil engrenage est enclenché, les maléfices s’enchaînent. Les rouages en sont communs : l’amant n’est qu’un instrument, le mari exerce une illusoire domination, la femme, elle, triomphe. Dans un cadre intimiste, Karl Schönherr pose des questions cruciales sur l’origine du mal : procède-t-il d’une résistance à l’agression ou bien relève-t-il d’une logique propre, inexorable et constitutive ? La perfidie féminine est-elle finalement autre chose que l’expression hyperbolique de rapports de couple biaisés ?
christophe giolito
Der Weibsteufel
de Karl Schönherr
mise en scène Martin Kušej
avec Birgit Minichmayr, Tobias Moretti, Werner Wölbern
Du 20 au 23 février 2013 A l’Odéon – Théâtre de l’Europe place de l’Odéon, 75006 Paris
Réservation : 01.44.85.40.40 www.theatre-odeon.fr
scénographie Martin Zehetgruber
costumes Heide Kastler
musique Bert Wrede
lumière Felix Dreyer et Tobias Löffler
dramaturgie Sebastian Huber
production Residenztheater Munich
créé le 12 septembre 2008 au Burgtheater de Vienne
Le texte de la pièce est paru chez Ulan Press en septembre 2012.