Berlin mon garçon Marie (NDiaye / Stanislas Nordey)

Une repré­sen­ta­tion pesante 

Pendant que le public s’installe, la scène est occul­tée par un grand écran noir sur lequel est écrit le titre du spec­tacle. Tan­dis que des images de l’aéroport de Ber­lin en noir et blanc sont pro­je­tées en fond de scène, en contre­jour, comme pro­je­tée, une voya­geuse immo­bile se tient. Dès que la pièce com­mence, les comé­diens déclament, décom­po­sant méti­cu­leu­se­ment leur pro­pos.

L’ensemble de la repré­sen­ta­tion est placé sous le signe d’une froide gran­di­lo­quence. Il s’agit sou­vent pour­tant, du moins au début, de mono­logues inté­rieurs, qui souffrent d’une pré­sen­ta­tion d’une grande arti­fi­cia­lité. C’est que la mise en scène détruit à petit feu toute pos­si­bi­lité d’empathie avec les per­son­na­li­tés des pro­ta­go­nistes de la pièce, pour­tant pré­sen­tés de façon ellip­tique, comme pour nour­rir l’interrogation, voire l’inquiétude du lecteur/du spec­ta­teur.
Toutes les répliques sont conduites comme de force jusqu’à la satu­ra­tion, comme la répé­ti­tion des images d’ensemble ou de détail de 
Cor­bu­sie­rhaus finit par occul­ter l’espace au lieu de l’ouvrir.

Le sur­li­gnage et la mise à dis­tance outran­cière rendent inef­fi­cace le texte. Laurent Sau­vage et Claude Dupar­fait seuls tirent leur épingle de ce jeu embourbé, par l’ironie de l’attitude pour l’un, par le réin­ves­tis­se­ment de l’intériorité pour l’autre. Ces deux-là se prennent par­fois à jouer le silence contre la logor­rhée.
Il en eût fallu beau­coup plus pour explo­rer les non-dits du texte, ses manques ou ses richesses : la résis­tance vaine de l’intellect, la puis­sance de l’exil, le pas­sage à l’acte. Mais ces moments sclé­ro­sés, asep­ti­sés, sté­ri­li­sés laissent le public aussi froid que la repré­sen­ta­tion à laquelle il vient d’assister.

chris­tophe gio­lito

Ber­lin mon garçon

de Marie NDiaye

mise en scène Sta­nis­las Nordey

avec Hélène Alexan­dri­dis, Claude Dupar­fait, Dea Liane, Annie Mer­cier, Sophie Mih­ran, Laurent Sauvage

 

Col­la­bo­ra­trice artis­tique Claire Ingrid Cot­tan­ceau ; scé­no­gra­phie Emma­nuel Clo­lus ; lumière Phi­lippe Ber­thomé ; son Michel Zur­cher ; cos­tumes Anaïs Romand ; vidéo Jéré­mie Bernaert.

Au théâtre de l’Odéon, place de l’Odéon, 75005 Paris, du 16 juin au 27 juin 2021, du mardi au ven­dredi à 20h, samedi à 15 et 20h, dimanche à 15h, durée 1h40.

Pro­duc­tion Théâtre Natio­nal de Stras­bourg avec le sou­tien de la MC93 – Mai­son de la culture de Seine-Saint-Denis. Les décors et cos­tumes sont réa­li­sés par les ate­liers du TNS. Marie NDiaye, Claude Dupar­fait et Laurent Sau­vage sont artistes asso­ciés au Théâtre Natio­nal de Stras­bourg. Trois pièces [Déli­vranceBer­lin mon gar­çonHon­neur à notre élue] de Marie NDiaye a été publié aux édi­tions Gal­li­mard (2019).

Tour­née 2022 : du 22 février au 6 mars — Théâtre Natio­nal de Strasbourg.

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