Franchir vraiment le seuil de la vie
Si l’on demandait à la narratrice de Ma meilleure amie qu’elle le devienne, soit elle esquiverait en souriant, soit comme ici elle plongerait sous les mots. Preuve que ce superbe roman est une manière de franchir vraiment le seuil de la vie.
Et ce, au moment où l’héroïne revient alors la raison.
Celle qui depuis son enfance n’était que de passage amorce halte afin que le soleil brille sur un temps qu’elle va pouvoir se donner. Pour l’heure, elle retrace son existence entre ses deux amies d’études et de vie, Rosie et Sambre, avant qu’Anders les rejoignent et que Sambre disparaisse mystérieusement.
La narratrice aurait dû ou pu apparaître à cet instant-là. Mais il fallut attendre.
Elle resta encore une autre avant de se poser face à sa propre unité de mesure. A savoir sa vie, son souffle au-delà des sensations ineffables que rameute sans cesse le passé. Il s’agit de le corriger. Mais pas à la légère.
Le moment est venu pour la narratrice d’interrompre son monologue au cœur d’une solitude. Quelques images forment en elle une voûte.
Le son de sa voix semble enfin la porter ou l’emporter. Sur le chemin qui n’est plus du retour, elle pousse son caillou puis un autre plus proche de ses désirs. Plonger comme elle le fait à la fin permet de commencer la migration de l’âme et du corps à perte de vue à la rencontre du territoire intérieur.
Le tout en gardant intacte sa faiblesse.
Car, pour ne pas acquérir des forces qui ne seraient pas les siennes, elle doit parier sur elle.
jean-paul gavard-perret
Fabienne Jacob, Ma meilleure amie, Buchet-Chastel, Paris, aout 2021, 224 p. — 17,00 €.