Le langage photographique de Fabienne Forel (ci-contre © Cathy Peylan) se développe à travers des recherches sur le voyage et l’espace initiatique. Elle explore depuis des années le désir féminin et montre, en conséquence, des femmes en déambulations qui prennent en compte leur sexualité. Fascinée par l’image pour son expressivité, l’artiste crée une effraction par laquelle montent contre l’obscur des myriades de femmes vivantes et denses. L’œuvre témoigne d’une énergie dont les formes représentent les courants et les flux.
Existent des cérémoniaux mais aussi de discrètes facéties. Le tout selon un désordre ordonné et parfois en tours de passe-passe. Une telle galerie de femmes ailées ne craint pas la démolition. Tout s’emberlificote dans un mouvement qui déplace lignes.
Surgit la jubilation d’un tel parcours initiatique. Il provoque un ravissement au sein d’une fusion au fil des portraits.
Fabienne Forel, Erotik (avec Cathy Peylan), Galerie M@G, Arles, 22–24 mai 2021.
Entretien :
Qu’est-ce qui vous fait lever le matin ?
Le désir de créer, de faire quelque chose de concret et de beau, le besoin de bouger.
Que sont devenus vos rêves d’enfant ?
J’ai visité le Taj Mahal premier grand rêve de voyage, j’aurai voulu visiter Vladivostok…voir les aurores boréales… je voulais participer à l’évolution collective de l’humanité.
A quoi avez-vous renoncé ?
A quelques rêves : visiter tous les pays du monde, parler de nombreuses langues…
D’où venez-vous ?
D’une mère catalane citadine et d’un père français, fils de paysan.
Qu’avez-vous reçu en dot ?
La pugnacité, la curiosité.
Un petit plaisir — quotidien ou non ?
L’apéro seule sur mon balcon face à la montagne.
Qu’est-ce qui vous distingue des autres artistes ?
J’essaye d’exprimer ce qui me touche le plus, la sensualité du monde.
Comment définiriez-vous votre approche du “primitif” de l’humain ?
Un retour à la Source, une connexion intuitive au Vivant, une connaissance des archétypes primordiaux…
Quelle est la première image qui vous interpella ?
“Le baiser” d Elliot Erwin, la peinture de Klimt, un choc esthétique avec les tableaux de Rembrandt à Amsterdam.
Et votre première lecture ?
La première lecture qui m’a touché “Tistou et les pouces verts” de Maurice Druon, je lisais beaucoup, très tôt…
Quelles musiques écoutez-vous ?
En ce moment Canine, LP, Marianne Faithfull.
Quel est le livre que vous aimez relire ?
“La nuit des temps de Barjavel”, “le Rouge et le noir” de Stendhal, “le Roi des aulnes” de Tournier, “le Marin de Gibraltar” de Duras. Je ne relis plus maintenant, je n’ai plus le temps…
Quel film vous fait pleurer ?
“La vie est belle” de Benigni par exemple…
Quand vous vous regardez dans un miroir qui voyez-vous ?
Une femme qui se cherche profondément.
A qui n’avez-vous jamais osé écrire ?
A mon père.
Quel(le) ville ou lieu a pour vous valeur de mythe ?
New York, New Delhi, Le Caire.
Quels sont les artistes et écrivains dont vous vous sentez le plus proche ?
Duras pour sa folie et sa lucidité, Wynn Bullock et Harry Callahan pour le mélange d’humanité et de nature, Jean-Marie de Crozals pour sa sensibilité esthétique.
Qu’aimeriez-vous recevoir pour votre anniversaire ?
Une maison au bord de l’océan au Portugal ou sur un côte australienne avec la puissance de l’océan, dans le Sud…
Que défendez-vous ?
La liberté d’être, la réciprocité et l’égalité sociale.
Que vous inspire la phrase de Lacan : “L’Amour c’est donner quelque chose qu’on n’a pas à quelqu’un qui n’en veut pas”?
Briser le rêve de l’amour total et survivre.
Que pensez-vous de celle de W. Allen : “La réponse est oui mais quelle était la question ?“
Tant de questions, tant de réponses possibles.
Quelle question ai-je oublié de vous poser ?
Quel serait votre dernier rêve/désir que vous voudriez réaliser avant de mourir ?
Présentation et entretien réalisés par jean-paul gavard-perret pour lelitteraire.com, le 17 mai 2021.