L’oeil et le regard
En découvrant le livre de Lydia Calloud revient en mémoire souvenir du Visage de Max Ernst (1961) : une tête carrée sur fond d’or circulaire, une tête porteuse de deux yeux qui perforent littéralement l’espace intermédiaire, happent par l’entremise de quelque chose qu’il faut bien appeler l’éclosion du regard.
Existe chez Lydie Calloud le même retournement de la vue puisque c’est l’œuvre qui semble interroger le regard par l’oeil qui nous fixe en une sorte de renversement et un jeu de miroir.
L’oeuvre manifeste donc quelque chose de la vue d’autant que Lydie Calloud reste à la recherche de la sélection d’un certain mode de regard. Chez elle, la fonction du tableau induit que nous le voyons dans la dialectique de l’œil et du regard sans que se produise de ce que disait Lacan :“point de coïncidence, mais foncièrement un leurre”.
Pour Lydie Calloud, l’art n’est plus un piège à regard. Et ce, dans un genre figuratif particulier, via les mille jeux du maniérisme nécessaires à une telle entreprise. La béance oculaire s’inscrit là où le regard voit le jour.
L’oeil peut devenir passeur d’âmes mais surtout il nous renvoie, par sa centralité — sans qu’il soit besoin d’effet anamorphique — à une ouverture du champ.
L’œil n’est plus butinant et virevoltant, bref il n’est plus pressé. Lydie Calloud le vise en ce que Beckett nommait sa “choséïté”.
Dès lors, en une telle intra-territorialité, le regard fonctionne dans une dimension structurante qui, comme l’a montré Michaux, subvertit les notions habituelles de dehors et de dedans.
jean-paul gavard-perret
Lydia Calloud, génération B dans génération A, livre objet en acier, image lenticulaire, papier carton ajouré, (40 exemplaires) , Institut de la Vision à Paris avec le soutien des Fondations Edmond de Rothschild.
Galerie l’Antichambre, Chambéry, avril 2021.