Portraits de Femmes
L’identité féminine est présentée ici à travers les clichés de cinq photographes italiennes entre 1965 et 1985. Le tout par la subjectivité féminine vécue, représentée et interprétée dans un contexte de grands changements sociaux en Italie.
Années de transition du radicalisme politique à l’hédonisme, ces années de plomb ont également été vécues comme des années de grande participation et de conquêtes civiles principalement dues à la lutte féministe.
Ce livre constitue une réflexion visuelle sur l’identité féminine et la représentation à partir de portraits extraordinaires : ceux de la communauté travestie de Gênes par Lisetta Carmi, ceux d’actrices, d’écrivains et d’artistes par Elisabetta Catalano, des clichés des mouvements féministes par Paola Agosti, des femmes et des jeunes femmes dans une Sicile défigurée par la mafia par Letizia Battaglia, et des photos d’hommes qui se transformaient en femmes pendant le carnaval, dans les petites villes de Campanie par Marialba Russo.
Ces derniers déguisements ne renvoient pas à des personnages ou à des histoires particulières. Ils suggèrent les figures génériques d’une mythologie populaire — parfois très sombre — comme le furent jadis les personnages du Carnaval de type vénitien ou de la Commedia dell’arte. Quant aux quatre autres corpus, ils jouent sur des clichés critiques déclinés sur divers registres : starlette pulpeuse en consentante femme d’intérieur. Ils s’inspirent des médias et de la pop culture et scénarisent des vies de poupées comme celles de femmes démunies.
Les cinq photographes explorent en conséquence divers glissements de genre en se rapprochant d’un discours féministe pur et dur pour souligner certains désastres et parfois se rapprocher du fantastique et du grotesque. La stratégie des narrations éloigne de tout artifice parfois par l’artifice lui-même. Il sert à faire émerger du quotidien un ailleurs. Il n’est en rien une promesse de Paradis terrestre.
Mais la femme n’est plus seulement une image, la photographie non plus. Le corps présenté n’est plus celui qu’un voyeur peut pénétrer. Au mieux, il rebondit dessus.
Bref, l’activité mimétique de la photographie capote. La sidération change d’objectif. L’art se refuse au leurre de rêver la vie et la femme.
Il provoque un élargissement du quotidien de telle sorte que l’objet capté redevienne sujet.
jean-paul gavard-perret
Paola Agosti, Letizia Battaglia, Elisabetta Catalano, Lisetta Carmi, Marialba Russo, Sogetto Nomade, Nero, Roma, 2021, 160 p. — 25,00€.