Les auteurs nordiques prennent de plus en plus de place dans l’univers du polar, ce genre littéraire peu prisé des “intellectuels”. De nouveaux venus rejoignent des romanciers confirmés.
C’est le cas de Katrine Engberg qui propose avec L’enfant étoile, son premier roman publié, un petit joyau.
Tout commence dans un immeuble sis au cœur de Copenhague. Au petit matin, Gregers, un vieux monsieur, se félicite de pouvoir encore descendre sa poubelle depuis le second étage. En sortant de chez lui, il voit la collection de bouteilles sur le palier du dessus, celui d’Esther de Laurenti, sa propriétaire, la reine des pochtronnes à ses yeux. Au premier étage, où logent deux jeunes étudiantes, il remarque la porte palière entrouverte. Il veut la refermer mais rate la poignée et tombe. Lorsqu’il reprend ses esprits, il est couché sur des chaussures pleines sang. Il voit du sang, du sang partout. Son cœur s’emballe, il va mourir.
Anette et Jeppe sont chargés de l’enquête. Ils identifient vite la victime malgré les lacérations sur son visage, des lacérations qui semblent dessiner un motif. Il s’agit de Julie dont ils vont découvrir le passé toxique.
Esther a atteint l’âge de la retraite et peut enfin s’adonner à ses passions, chanter, écrire et cuisiner. Elle a noué une relation filiale avec Kristoffer qui lui donne des cours de chant depuis quatre ans. Il y a trois semaines, elle a écrit le meurtre de son personnage, une jeune fille inspirée par Julie, un processus identique à celui utilisé par le meurtrier. Quelqu’un a pu le lire chez elle ou le lire en ligne quand elle l’a envoyé aux deux autres personnes qui composent son groupe d’écriture.
Est-ce un hasard ou un plan ourdi de façon machiavélique ?
Très vite, le couple de policiers va être pris dans la frénésie d’un univers qu’ils ont peu l’habitude de côtoyer. Ils doivent fréquenter un milieu d’artistes quelques peu déjantés, loufoques à leurs yeux, à la recherche de l’extravagance qui les fera se distinguer.
Un monde où les regroupements ne sont pas le fruit d’affinités, mais d’intérêts.
Un des attraits du roman est constitué par le couple d’enquêteurs, Anette Werner et Jeppe Kørner Si la première tient un peu du bulldozer comme le pense son équipier, lui est considéré comme faible et maladroit par sa partenaire de travail. Il est tout juste divorcé et traverse une crise existentielle. La perte de son père, il y a un an, le fait qu’il soit seul, ont rendu sa mère très présente, voire collante. On suit les soubresauts de sa vie privée qui influent quelque peu sur son travail.
Cependant, ils mènent l’enquête tambour battant sans plus de pauses que nécessaire, le duo étant mené par l’infatigable Anette. Mais, les diverses pistes qui s’offrent à leur sagacité, celles qu’ils sont amenés à suivre, se terminent en cul-de-sac. La recherche de preuves est hasardeuse et ils doivent repartir de zéro pour espérer mieux rebondir.
La romancière installe, avec beaucoup de finesse, une intrigue dont les tenants et les aboutissants sont distillés avec précision, à point nommé. Elle propose une belle visite de Copenhague, décrit l’hôtel de police, un bâtiment austère, hostile par rapport au parc de Tivoli tout près, comme : “Un contrepoids indispensable au porno gratuit et à la consommation record d’alcool.” Elle surfe sur l’emprise, sur la dépendance, sur les secrets enfouis, sur les besoins humains inassouvis…
Et l’intrigue se poursuit avec un joli lot de péripéties, de coups de théâtre jusqu’à une conclusion où se retrouve toute la complexité de l’être humain.
L’enfant étoile se lit avec beaucoup d’intérêt pour la richesse des personnages et l’intrigue subtilement agencée.
serge perraud
Katrine Engberg, L’enfant étoile (Krokodillvogteren), traduit du danois par Catherine Renaud, Fleuve noir, coll. “Policier & thriller”, janvier 2021, 416 p. – 20,90 €.