Ce livre de rencontres et de conversations réunit une douzaine de textes. Ils traversent le temps de l’auteur. Depuis l’âge de 14 ans (en 1955) où le futur poète entend « les mots dans la voix de Pierre Reverdy», jusqu’en 2016, où il se rend à Genève pour réaliser un des derniers entretiens de Jean Starobinski.
L’ensemble répond à une “intuition” de Butor qui espérait que chaque jour n’était là que pour qu’un livre se fasse. Et Les journées en Arlequin sont là comme remède à la nostalgie et au burn-out.
Les textes permettent de retrouver non seulement Reverdy et Starobinski mais aussi Anne-Marie Albiach dont la voix, même dans ses livres, est faite de « mots [ qui] sont des aigus avec le timbre déchiré dans l’oreille. ». S’y retrouve aussi un entretien de 1965 avec Paul Celan.
Daive ressent l’urgence et l’abstraction qui animent le poète comme il les éprouve avec Nicolas de Staël : “autre frère de cœur, autre frère de pensée, après Ossip Mandelstam, après Franz Kafka”.
Nous sommes ici dans un art de la rencontre. Charles Racine est saisit soudain par la peur du vide lors de sa ballade dans Paris avec son interviewer. Mais Jean Daive ne se contente pas de faire parler ses interlocuteurs, il les entoure de références parfois surprenantes.
Et ce, jusque dans son dernier texte de compagnie du “laveur de coeur de Rimbaud” : le peintre autrichien Joerg Irtner à qui Paul Celan a offert un exemplaire de Décimale blanche le premier livre de poésie de Jean Daive.
Pour l’auteur, Irtner est un maître qui fut plongé dans “une Cène moderne, vécue et déportée dans une attention (une prière) silencieuse.” Et l”autrichien reconnut en Daive le poète de la profondeur, de la complexité.
Il est donc normal que ce texte termine ce livre d’amitié et de grâce.
jean-paul gavard-perret
Jean Daive, Les journées en Arlequin, éditions nous, 2020, 160 p. — 20,00 €.