Sylvain Runberg & Luc Brahy, Le Syndrome [E]

Une brillante adaptation 

Philéas est une nou­velle mai­son d’édition de bandes des­si­nées de genre. Créée par les Édi­tions Jungle et le groupe Édi­tis, elle est pilo­tée par Moïse Kis­sous (Jungle) et Vincent Bar­bare (Edit8).
Leur pre­mier office se com­pose de deux adap­ta­tions de romans à suc­cès, le pré­sent album Syn­drome [E] de Franck Thil­liez et Gravé dans le sable de Michel Bussi.

À Tour­coing, ce 5 juillet en fin d’après-midi, Ludo achète un cer­tain nombre de films à Luc, le fils d’un col­lec­tion­neur. Celui-ci raconte que son père était un adepte du com­plot et qu’il avait, à ses pieds, un court métrage qu’apparemment il était monté cher­cher avant de glis­ser de l’échelle et de se fra­cas­ser le crâne. Il le donne à Ludo qui vou­lait l’acheter. De retour chez lui, celui-ci, intri­gué, regarde ce fameux film et… perd la vue !
À Marcq-en-Barœul, Lucie est en vacances avec ses deux filles, chez sa mère. Elle reçoit un appel angoissé de Ludo qui lui demande de l’aide.
À Nan­terre, le com­mis­saire Leclerc de l’Office cen­tral pour la répres­sion des vio­lences aux per­sonnes a convo­qué le lieu­te­nant Frank Sharko. Avec les vacances, il n’a que lui qui peut être dis­po­nible. Frank a perdu son épouse et sa fille dans un acci­dent de voi­ture il y a quelques années. Depuis, il est schi­zo­phrène et converse avec le fan­tôme de sa fille qui l’accompagne par­tout. Entre Le Havre et Rouen, cinq cadavres au crâne scié ont été retrou­vés lors d’un chan­tier.
Ludo demande à Lucie de confier ce film à Claude, un res­tau­ra­teur réputé. Avant de le faire, elle regarde et voit des scènes hal­lu­ci­nantes. Parce qu’une affaire simi­laire avait eu lieu, sans jamais être réso­lue, Sharko part pour Alger. Lucie fait face aux meurtres de Claude et de Luc…

Le Syn­drome [E] est le pre­mier tome d’une tri­lo­gie sur la vio­lence que Frank Thil­liez com­plète par Gataca et Atomka. Ces deux romans seront adap­tés par le même duo en 2021 et 2022.
L’intrigue se construit avec deux sujets prin­ci­paux : l’instrumentalisation de la vio­lence et les capa­ci­tés du cer­veau à enre­gis­trer des élé­ments de façon incons­ciente. Ce der­nier thème a été traité dans les années 50/60 sous l’appellation de la 25e image, par­tant du prin­cipe que l’œil n’est capable de res­ti­tuer que 24 images par seconde. Les images sup­plé­men­taires ne sont pas “vues”, par contre le cer­veau les enre­gistre de façon subliminale.

Dans un roman, la des­crip­tion de scènes de vio­lence reste au niveau de chaque lec­teur, à lui d’imaginer avec son propre vécu. La mise en des­sins demande une approche un peu dif­fé­rente dans la mesure où la vio­lence n’est plus ima­gi­née mais mon­trée. Plus le des­sin est expli­cite, plus le choc émo­tion­nel peut-être agres­sif. Il fal­lait donc une poin­ture dans l’art du scé­na­rio pour réus­sir l’enjeu. Et Syl­vain Run­berg réus­sit à mer­veille à redon­ner toute l’ambiance du roman tout en sau­ve­gar­dant la ten­sion extrême qui résulte du dérou­le­ment de l’intrigue. Laquelle évoque, entre autres, ces orphe­lins du Canada, entre 1940 et 1960.
Ce récit asso­cie, pour la pre­mière fois, l’inspecteur Lucie Hen­ne­belle, une jeune mère de famille de deux jumelles et le lieu­te­nant Frank Sharko, ayant perdu Suzanne son épouse et Eloïse sa fille dans un acci­dent de voi­ture il y a quelques années.

Luc Brahy, dans son domaine, est à l’unisson. Avec son trait réa­liste, sa capa­cité à res­ti­tuer une ambiance, à faire res­sen­tir les émo­tions à tra­vers les mimiques, les gestes de ses per­son­nages, il réus­sit une belle mise en images. La mise en cou­leurs d’Hugo S. Facio, par ses teintes assez neutres, sou­tient l’atmosphère.
Une belle adap­ta­tion tant pour le trai­te­ment du sujet que pour le dérou­le­ment de l’intrigue qui passe d’un récit de 432 pages à 104 sans perdre de sa tonicité.

serge per­raud

Syl­vain Run­berg (scé­na­rio d’après le roman de Franck Thil­liez), Luc Brahy (des­sin) & Hugo S. Facio (cou­leur), Le Syn­drome [E], Édi­tions Phi­léas, octobre 2020, 104 p. – 17,90 € .

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