Jean-Louis Giovannoni, L’échangeur souterrain de la Gare Saint-Lazare

Des pos­sibles contre l’harmonie

Jean-Louis Gio­van­noni s’astreint — via le  nar­ra­teur de son “roman inté­rieur” — à une forme par­ti­cu­lière de la poé­sie : le jour­nal.
Entre expé­rience et immé­dia­teté s’inscrit le rendez-vous d’une dis­po­ni­bi­lité  paro­dique à tra­vers ce qu’il voit ou ima­gine de manière de plus en plus “folle” à  mesure que le livre avance.

Cons­truit de textes courts proches d’abord puis loin de l’échangeur de la gare Saint Lazare (qui jusque là n’avait pas de nom), le  jour­nal s’égare très vite vers un mono­logue inté­rieur au sein de digres­sions intem­pes­tives.
L’auteur “se” raconte sa propre his­toire et y croit : d’abord près de “L’horloge pen­due” de la gare Saint Lazare (si l’on en croit une vieille chan­son où la nar­ra­trice finit “ronde comme un petit pois”).

Par an, plus de 46 mil­lions de fran­ci­liens tra­versent ce lieu et l’auteur le pré­cise pour don­ner de la véra­cité au vécu qu’il décrit — du moins au début. La four­mi­lière et ses ori­fices créent un échange dense où l’auteur tente d’aller à contre-courant — mais ce n’est guère pos­sible — dans ce lieu chargé d’histoires et de foules.
Cette cohue insub­mer­sible sou­ligne une puis­sance incon­trô­lable : soit — si on s’y oppose — elle  refoule, soit — si on l’accepte — on en devient par­tie pre­nant en s’y ran­geant jusqu’à se retrou­ver porté à des endroits de ban­lieue incon­nue où le per­son­nage n’avait pas prévu d’aller.

Le jeu de focale entre l’infiniment grand et l’infiniment petit est cher à l’écriture du corps et de son ques­tion­ne­ment chez Gio­van­noni. Celui qui connaît si bien les psy­cho­tiques leur rend hom­mage dans son propre “délire”.
Le sujet est dés­in­té­gré par la mul­ti­tude qui tra­verse non le pas­sage mais l’être lui-même à tra­vers des jambes où l’auteur se perd lui-même au sein de son explo­ra­tion “arbi­traire” et oratoire.

Le livre est puis­sant par sa drô­le­rie mons­trueuse et sa construc­tion. Gio­van­noni y essaye des pos­sibles contre l’harmonie. Mais il pré­fère tout compte fait  la dys­mor­phie qui après tout devient sa soeur jumelle au sein de cette diva­ga­tion fan­tai­siste loin des per­cep­tions com­pas­sées.
Ici, les membres errent et leurs pro­prié­taires courent à grandes enjam­bées pour les rejoindre.

jean-paul gavard-perret

Jean-Louis Gio­van­noni, L’échangeur sou­ter­rain de la Gare Saint-Lazare, Edi­tions Unes, 2020, 80 p. — 18,00 €.

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Filed under Poésie, Romans

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