L’empire ottoman d’hier et peut-être d’aujourd’hui
On lira avec un double intérêt le très dense livre d’Yves Ternon sur le lent déclin et la disparition de l’Empire ottoman.
Tout d’abord, il intéressera les professeurs de lycée qui enseigne ce thème dans la spécialité de Géopolitique. Car l’étude fait un point précis sur la formation de cet empire, sur son expansion militaire et la « surextension impériale » pour reprendre le concept de Paul Kennedy qui en marque le coup d’arrêt.
L’analyse des blocages internes et des ambitions externes démontre le mécanisme, en réalité lent, qui a entraîné un affaiblissement irrémédiable de cet empire qui constitua la deuxième offensive de l’islam contre l’Europe.
Ensuite, l’ouvrage permet de comprendre les ressorts de la politique néo-ottomane du gouvernement turc actuel qui s’appuie sur la nostalgie de l’Empire des sultans, sa récupération propagandiste et ses héritages géopolitiques (pensons à la Libye).
L’histoire nous montre qu’on est passé d’un ottomanisme à un nationalisme turc, et qu’on arrive à une synthèse des deux.
Mais que ce soit l’un ou l’autre, on remarque que les minorités, surtout chrétiennes, sont toujours les victimes de cette histoire, entre dhimmitude, enlèvements, massacres et génocide.
Là aussi, la modernité dont se revendiquaient les Jeunes Turcs – et le modèle révolutionnaire français, point sur lequel l’auteur aurait peut-être davantage dû insister – a conduit à une radicalisation des rapports politiques.
Bref, un livre d’histoire sur une actualité que l’on ferait bien de suivre de près.
frederic le moal
Yves Ternon, L’Empire ottoman. Le déclin, la chute, l’effacement, éditions du Félin, 2020, 528 p. — 35,00 €.