Ce petit volume, présenté et traduit par Lorenzo Flabbi, propose des correspondances qui s’étalent de 1914 jusqu’à la dernière année de la vie de Fernando Pessoa.
Celui qui avança souvent masqué et dont les oeuvres anthumes furent rares trouve peu à peu réparation d’un travail extraordinaire mais qui se réduisit lors de son existence à des contributions aux revues « Orpheu », « Presença », à deux plaquettes de poèmes en anglais et une publication poétique tardive “Mensagem”.
Ces nouvelles lettres soulignent — avec des témoignages directs — les questions majeures à qui s’intéresse au lusitanien : l’origine (psychologique) des hétéronymes, la construction de l’œuvre ou encore ses lettres d’amour à Ofélia en deux moments et une sorte de coda.
La clé est donc donnée d’abord aux hétéronymes Ricardo Reis, Alvaro de Campos et Alberto Caeiro. Quant à une des dernières lettres envoyée à Adolfo Casais Monteiro, elle explique la naissance du Chevalier de Pas — le premier hétéronyme créé dès l’âge de six ans — et précise l’aventure de tous les autres.
Ces lettres offrent en conséquence un voyage dans les manières de vivre, de sentir du poète. Il a trouvé par ses hétéronymes des adjonctions à sa “nature”.
Elle est multipliée chez celui qui s’adressant à son amour écrit :« Petite Ophélie, Comme je ne veux pas que tu dises que je ne t’ai pas écrit, car effectivement je ne t’ai pas écrit, je me suis mis à écrire ».
Preuve que si tout le monde est capable soit de sentir soit de penser, “tout le monde n’est pas capable de sentir avec la pensée, ou de penser avec l’émotion” écrit Pessoa.
jean-paul gavard-perret
Fernando Pessoa, Pourquoi rêver les rêves des autres ? Lettres de mon ailleurs, trad. portugais, Lorenzo Flabbi, Editions L’Orma, Coll. Les Plis, 2020, 64 p. — 7,95 €.
« Et s’il m’arrive d’être cohérent, ce n’est que par une incohérence de ma propre incohérence. »
Fernando Pessoa