Comment se construit le féminin
Dans ses strates et désormais, l’art n’a plus à honorer les puissants. Il se doit d’illustrer des sensibilités à travers transformations et déplacements du masculin et du féminin, comme de la pornographie qui, pour l’auteure, rejoue le corps en dépassant les codes de la société.
La romancière et essayiste américaine y explore la façon dont la notion de créativité est affectée par le regard que les hommes portent sur les femmes.
Mais, de fait, l’interrogation est moins sur ce regard sur les femmes que sur une succession d’articles disparates dont l’interrogation n’est pas claire.
Qui crée pour qui et pourquoi ? L’auteure ne répond pas directement à ces préoccupations. Certes, elle précise — à travers Louise Bourgeois entre autre — comment la notoriété de celle-ci s’inscrit dans sa reconnaissance internationale. Mais une préface s’imposait et l’auteure de La femme qui tremble nous laisse sur notre faim.
Le regard se perd dans une vision plutôt floue de l’artiste. Et certains articles (Picasso par exemple) sont inutiles ou anecdotiques.
Les “mirages de la certitude” sont bien revus chez celle qui parle toujours à la première personne. Mais ce melting-pot très particulier peut laisser perplexe ceux et celles qui ne connaissent pas l’auteure.
Ses articles — en manque de contextualisation — montrent trop mal comment la question du corps évolue dans l’art (et accessoirement dans la psychanalyse).
Entre le dur et le mou, le frivole et le sérieux, le masculin et le féminin l’auteure remet néanmoins certaines pendules à l’heure pour comprendre la violence de la société à travers des analyses en esquisses mais sans cohérence d’ensemble.
Comment le féminin se construit n’est pas suffisamment mis en lumière même si l’auteure souligne de manière transfrontalière le sensible à travers les films d’Almodovar par exemple. Elle cherche et dégage des chemins mais ils sont difficile à parcourir.
Toutefois et avec humour, Siri Hustvedt montre comment l’homme ne voit pas la femme dans l’art. Celui-là tend à ne pas faire entrer la femme dans son jeu par effacement ou élimination comme le prouve le cas Louise Bourgeois. Laquelle permet de souligner l’agressivité du patriarcat condescendant pour mettre en pièces les femmes.
Face à un tel état de fait, il s’agit, comme le proposa l’artiste franco-américaine, de “tout casser” au moment où l’agressivité est reconnue aux femmes et ce à travers des exemples précis de phénoménologie du corps de la femme et celui de l’art.
“Le cabinet de l’analyse” qui clôt le texte illustre toute la finesse de l’analyse de Siri Hustvedt. La créatrice souligne combien l’artiste femme reste agrafée à sa séparation du “maître”.
Le “mâlin” peaufine des rituels d’une loqueteuse union qui vieille aux obsèques de la femme amoureusement — ou non– “dénudée.
lire un extrait
jean-paul gavard-perret
Siri Hustvedt, Une femme regarde les hommes regarder les femmes, traduit de l’anglais (US) par Mathieu Dumont, Actes Sud Editions, 2020, 240 p. –21,50 €.