Héros un jour, héros toujours ?
Spirou est confronté à deux situations. L’une concerne la disparition et l’autre la concurrence d’une nouvelle mode pour les héros. Comme toutes les stars, les vedettes, Spirou vit grâce à l’intérêt de son public. Or, celui-ci est très sollicité et les invitations à voir autre chose sont de plus en plus nombreuses, de plus en plus envahissantes.
Ceci oblige à être très présent partout. C’est le gros souci des « people » contraints, pour continuer à exister, de faire le buzz, de dire ou faire n’importe quoi, des propos, des attitudes trop souvent d’une débilité abyssale.
Fabien Vehlmann reprend nombre de problématiques d’aujourd’hui qu’il applique à ce héros qui a vu le jour en 1938. C’est l’invasion des réseaux dits sociaux, la rémunération des héros et les contrats qui les lient. Il pose aussi la permanence, la vieillesse et met en scène un personnage qui se retrouve face à un autre lui-même différent, un alter ego plus jeune.
Il évoque, à travers les péripéties, la place de la femme, la conquête de son espace dans la société, les problèmes sociaux, la restructuration des centres villes qui chassent les plus modestes, la défense de ces derniers, la décroissance, la descente vers l’abîme quand les revenus diminuent…
La nuit bruxelloise est troublée par des silhouettes masquées qui arpentent les toits de la ville. Spip, l’écureuil parlant propose un retour en arrière de plusieurs mois pour comprendre comment le responsable de cette situation n’est autre que… Spirou. Celui-ci perd en notoriété, les plus jeunes ne le connaissent pas, les plus anciens ne le reconnaissent plus. De plus, sa vie trépidante d’aventurier l’éloigne de ses préoccupations écologistes. Et il n’y en plus que pour les superhéros !
Pour relancer les ventes du journal, de ses albums, il a l’idée d’un canular. Aidé du comte de Champignac, il conçoit le costume de Supergroom. Il veut mobiliser l’attention, faire du buzz avant de tout révéler pour montrer que les héros franco-belges ont de la ressource. Si les choses démarrent bien, des incidents, des gaffes tournent à la catastrophe et Spirou décide de ranger son costume sans rien dévoiler.
Une pétition pour son retour commence à circuler sur les réseaux sociaux et atteint vite un nombre impressionnant de signatures. Pendant ce temps, de retour de Palombie, c’est à Hollywood, dans un studio, qu’il décide de changer de vie et de prendre sa retraite.
Mais rien ne va se passer comme il le souhaite…
Yoann au dessin et Fabien Alquier à la couleur conjuguent leur talent pour proposer des planches attractives, des pages belles à regarder pour la galerie de personnages qui deviennent singuliers et pour leur mise en valeur par des couleurs adéquates. On retrouve toute la gestuelle des superhéros, avec les décors en perspectives, avec leurs gadgets, tel ce clin d’œil à Thor et à sa masse. Yoann modernise le héros. S’il garde sa mèche rousse, elle prend un coup de jeune par sa position et sa coupe.
Ce Justicier malgré lui est plein de trouvailles tant scénaristiques que graphiques, Le récit est dynamique, tonique, humoristique. Ce tome 1 a tout pour plaire pour ceux qui aiment des scénarios à plusieurs niveaux mais dont le premier reste l’aventure.
serge perraud
Fabien Vehlmann (scénario), Yoann (dessin) & Fabien Alquier (couleurs), Supergroom – t.01 : Justicier malgré lui, Dupuis, février 2020, 88 p. – 13,95 €.