Jehan Mayoux demeure un poète surréaliste scandaleusement méconnu. Fils d’enseignants pacifistes et anarcho-syndicalistes, l’auteur très vite se rapproche des mouvements libertaires et rejoint dès 1933 le surréalisme.
André Breton et Paul Éluard le publient dans “Le surréalisme au service de la révolution n°5″ et il devient l’ami l’intime de Benjamin Péret.
Ils se rejoignent dans leur humour, leur liberté d”invention, leur désir de révolution qui emmenèrent Mayoux en prison et en déportation. En 1939, il refuse la mobilisation, est condamné à cinq ans de prison.
Il s’évade, est repris par les autorités de Vichy puis est déporté par les Allemands en Ukraine. Il ne cessa d’être un insoumis exemplaire, un syndicaliste qui refuse d’être un toutou à qui on lance un os jusqu’à sa mort en 1975 .
La rivière Aa prouve la force poétique de l’auteur. Elle charrie un déferlement d’images propres à décrire les êtres dans des “Gares de pleine nuit sentiers de feuilles stades cafés de village” ou autres “Décombres dans les dimanches de banlieue” où les femmes parées comme des pièces de viande sur un étal de boucher deviennent des “bestiaux héraldiques” piégées par leur condition de pauvreté et de souffrance.
Le poète non seulement reste à l’écoute de tels perdants mais aussi des paysages qui sont les leurs et où les accumulations verbales créent et fondent des émotions : “Dunes routes à plusieurs voies forêts marchés au poisson / Boulevards ombragés glaciers boutiques calamistrées ports / Plaines de blé autobus urbains marais coassants (…) Monde inconnu soudain reconnu souffle coupé”.
La comédie humaine est mise à nu là où l’auteur n’a qu’un but : “Je donne vie à un objet et il mange pour moi”.
jean-paul gavard-perret
Jehan Mayoux, La rivière Aa précédée de Porte à secrets, Édition bilingue avec une eau-forte d’Olivier Le Bars et deux dessins de Georges-Henri Morin.
Traduction de Alice Mayoux & Sandra Wright, Editions William Blake and Co, Bordeaux,2020, 124 p. — 18,00 €.
“Jehan Mayoux fut l’un des acteurs les plus conséquents du surréalisme. Alors que bien des écrivains ont effectué un revirement à un moment opportun de leur carrière, il se fit le tenant d’une conception de la littérature qui privilégiait plus que tout la liberté et l’intégrité. Il faudra pourtant qu’un jour ses écrits sortent de la semi clandestinité dans laquelle ils sont relégués aujourd’hui, qu’ils occupent la place qui leur revient, au côté des textes de Breton, Péret, et de quelques autres.” Thierry l’a écrit . JPGP l’a fait !