Truismes version volailles
« J’ai commencé à écrire Le chant du poulet sous vide comme un conte, de la même manière que le marketing fabrique des contes, jusqu’à nous faire croire que les animaux que nous mangeons sont d’adorables bêtes, saines et dévouées, avec lesquelles nous avons une relation. » écrit l’auteure qui met en scène une héroïne orpheline de mère.
Celle-là revient à la ferme et à son élevage de poulets. Citadine par instants, elle doit les tuer et les vendre au marché.
Paule l’héroïne peut se voir en saltimbanque fatiguée et qui se retrouve dans les coulisses d’une loge et d’une identité troublée.
Elle tente de jouer son rôle d’épouse, mais comme les yeux fermés, jusqu’à n’être plus qu’un pâle trophée sur le phallus de l’orgueil masculin dont elle n’a pas grand chose à faire.
Elle veut recommencer une vie selon un archétype obsessionnel maternel. Nulle résilience. Nulle maltraitance pour autant envers les poulets qu’elle doit mettre à mort. Mieux : elle s’attache à eux et ne parvient à les sacrifier qu’en leur rendant hommage.
Dans ce but, elle écrit leurs biographies juste avant leur “exécution’”. Le roman devient leurs histoires de plus en plus morbides mais absolument nécessaires à l’héroïne biographe.
Toutefois, elle espère encore améliorer la vie des poulets et élabore un projet fou afin d’humaniser leur existence… Mais Paule est prise dans sa propre illusion. Ses “contes” deviennent absurdes et peu à peu l’héroïne perd pied : les êtres eux-mêmes du livre se transforment en poulets, l’humanité se déglingue entre son désir de consommation et ses manières d’oublier une réalité carnassière.
L’histoire s’y fixe. La solitude de l’héroïne aussi. « C’est là que j’ai vécu » aurait écrit Duras.
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jean-paul gavard-perret
Lucie Rico, Le chant du Poulet sous vide, P.O.L éditeur, Paris, 2020, 272 p. — 18,90 €.