La Vénus de Linda Tuloup glisse, muette, dans des forêts des songes. Par son nom même, la photographe prouve qu’elle ne craint pas les loups. Au contraire même : cette Vénus en fait sa fourrure. Et s’il y a quelqu’un en haut qui tire les rideaux du ciel, les ficelles de l’amour ce n’est plus l’ogre qui punit et auquel les belles de jadis adressaient leurs prières. Mais c’est bien la fée des images.
Cette nouvelle conjonction conforte le mâle (Yannick Haenel compris qui accompagne ici la photographe) dans une nouvelle étrangeté. Il n’a plus besoin de déplier ses raisons. La créatrice les renverse d’avance.
Voilà pour le maelstrom d’émotions. Les arbres se teintent de coton. Il y a désormais un trou d’ombre et de lumière qui donne de l’air et du désir. Néanmoins, solitaire, la Vénus sait qu’on n’ est rien, à personne. Qu’aucun ogre ne vole au secours de quelqu’un.
L’amour est autre chose. Là où les corps se troublent et osent l’animalité.
Portraits (du modèle Elisa Milani) et autoportraits présentent en conséquence des variétés de fleurs qui guérissent de tout. Leurs pétales ont une chair propre aux éruptions d’amour. Dans la forêt profonde et la chambre interdite, l’encens du silence sur la soie des regards fait partie du rite qui s’annonce.
Parfois, la femme est vêtue d’une robe légère, parfois la bête fait l’affaire. Le corps est en instance multiple pour des transes douces en blanc sur le noir. Tourne toupie dans la maison. Odeur de terre en éruption dans la forêt.
Un corps de lumière s’offre. Surgit la limite de son territoire. Obscure traînée de poudre. Chaque silhouette appelle ou annonce un feu : quoique ardent, il ne sera pas que de forêt.
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jean-paul gavard-perret
Linda Tuloup, VÉNUS – où nous mènent les étreintes, texte de Yannick Haenel, Editions Bergger, 2019 — 30,00 €.