Linda Tuloup est une hédoniste active. Elle se donne les moyens de transformer le rêve en réalité et de le faire partager. Toute son oeuvre le prouve dans la soierie de ses fourreaux forcément suaves. En Vénus, la créatrice habite et habille le monde de sensation. Les mains jointes se défont là où dans le noir et blanc le secret ne s’exhibe que par déboîtement d’ombres et de lumières.
Tourne toupie dans la maison de l’être. Odeur de terre en éruption. Un corps de lumière s’offre mais de manière diffuse. Se sautent bien des barrières et les courses dans les bois ou ailleurs deviennent des fugues et des féeries.
Entretien :
Qu’est-ce qui vous fait lever le matin ?
Le commencement.
Que sont devenus vos rêves d’enfant ?
Grands.
A quoi avez-vous renoncé ?
À vivre nue.
D’où venez-vous ?
De poussières d’étoiles (dixit H. Reeves).
Qu’avez-vous reçu en dot ?
?
Un petit plaisir — quotidien ou non ?
Marcher pieds nus dans l’herbe, contempler l’horizon, sauter dans les flaques, sauter dans les vagues, tenir la main d’un enfant, grimper en haut d’un volcan, s’enivrer avec un baiser, écouter de la musique trop fort, aller se recoucher l’après-midi, lire des poèmes, appeler quelqu’un qu’on aime, aller au cinéma le matin, danser un tango, se baigner dans une rivière, assister à un lever de soleil, se perdre dans une ville, brûler des lettres, offrir des fleurs, partir, revenir, faire l’amour, être au bord d’une falaise, sentir le vent, courir sous la pluie, dormir dans une cabane, boire du champagne, compter les étoiles, aller à l’opéra, fredonner un air, apprendre à broder, faire un vœu, écouter le silence.
Qu’est-ce qui vous distingue des autres photographes ?
Pas grand chose.
Comment définiriez-vous votre approche de l’éros ?
Une quête du rouge, un feu de joie, un vertige.
Quelle est la première image qui vous interpella ?
“Le jardin des délices”.
Et votre première lecture ?
“Le petit prince”.
Quelles musiques écoutez-vous ?
En ce moment « S’envolent les colombes », hommage de R. Burger au poète M. Darwich, totalement hypnotique et “Le cantique des cantiques”.
Quel livre aimez-vous relire ?
“Fragments d’un discours amoureux” (R. Barthes), Les Illuminations” (A. Rimbaud)
Quel film vous fait pleurer ?
Une pièce de théâtre. “Forêts” de W. Mouawad.
Quand vous vous regardez dans un miroir qui voyez-vous ?
« Ni tout à fait la même, ni tout à fait une autre. »
A qui n’avez-vous jamais osé écrire ?
Mon père.
Quel(le) ville ou lieu a pour vous valeur de mythe ?
Une forêt.
Quels sont les artistes et écrivains dont vous vous sentez le plus proche ?
Celles et ceux qui permettent d’accéder à la Beauté.
Qu’aimeriez-vous recevoir pour votre anniversaire ?
Une tempête de papillons.
Que défendez-vous ?
L’impossible. La vie sauvage. La poésie.
Que vous inspire la phrase de Lacan : “L’Amour c’est donner quelque chose qu’on n’a pas à quelqu’un qui n’en veut pas”?
(Gros soupir).
Que pensez-vous de celle de W. Allen : “La réponse est oui mais quelle était la question ?“
« Je veux même, en toutes circonstances, n’être plus qu’un homme qui dit oui ! » (F. Nietzsche, Le Gai Savoir)
Quelle question ai-je oublié de vous poser ?
J’ai oublié la réponse.
Entretien et présentation réalisés par jean-paul gavard-perret pour lelitteraire.com, le 19 novembre 2019.