Avec pudeur et humour, Philippe Bouret poursuit un chemin aux diverses trames. Toutes tournent autour des mots. Les siens et ceux des autres. Le clinicien sait à quoi ils servent, ce qu’ils font, ce qu’ils cachent. Et c’est ainsi que se tournent les pages de sa vie. L’auteur est membre de l’École de la Cause Freudienne et de l’Association Mondiale de Psychanalyse.
Après “Les Entretiens de Brive” il en poursuit d’autres : avec l’illustrateur José Correa, l’écrivaine Louise L. Lambrichs et l’auteure et cinéaste Chochana Boukhobza. L’une évoque le désastre du génocide et son déni en ex-Yougoslavie, la seconde l’impensable de la Shoah. Philippe Bouret au lieu d’étouffer la langue hiatus, la déplace à travers ses questions pertinentes. Dans le huis clos des face-à-face, le monde s’ouvre pour des prises de conscience. Tout passe par l’admiration et l’attention que l’auteur porte à ceux et celles qu’il écoute et pousse dans leur retranchement. Tout dépasse le champ de la simple causerie là où émergent des questions essentielles.
Philippe Bouret &t Chochana Boukhobza, La poésie est un art déchirant, Folazil, Grenoble, 2019.
Entretien :
Qu’est-ce qui vous fait lever le matin ?
Le désir et l’étonnement de découvrir ce qui me tient en vie.
Que sont devenus vos rêves d’enfant ?
Ils sont toujours là, dans ma poche avec un bout de ficelle, un couteau et une écorce.
A quoi avez-vous renoncé ?
A la compréhension.
D’où venez-vous ?
De l’atelier de mon père ?
Qu’avez-vous reçu en dot ?
Un marteau, un burin et un crayon à papier, une plume et de l’encre de Chine.
Un petit plaisir — quotidien ou non ?
Voire couler l’encre de mon stylo plume et regarder des mots imprimés sur une page.
Qu’est-ce qui vous distingue des autres interviewers ?
Que je ne suis pas un interviewer.
Comment préparez vous vos entretiens ?
Avec amour et beaucoup de lectures.
Quelle est la première image qui vous interpella ?
Un fil de fer barbelé.
Et votre première lecture ?
Mon nom sur le bracelet à la maternité.
Quelles musiques écoutez-vous ?
Celle des mots.
Quel est le livre que vous aimez relire ?
Celui de ma vie, il change tout le temps.
Quel film vous fait pleurer ?
Aucun.
Quand vous vous regardez dans un miroir qui voyez-vous ?
Une image.
A qui n’avez-vous jamais osé écrire ?
A moi.
Quel(le) ville ou lieu a pour vous valeur de mythe ? Le creux de ma main.
Quels sont les artistes et écrivains dont vous vous sentez le plus proche ?
Louis Jouvet, Daniel Mesguich pour le théâtre, Marguerite Duras, Andréas Becker pour la littérature, Dali pour la peinture et d’autres…
Qu’aimeriez-vous recevoir pour votre anniversaire ?
Un baiser.
Que défendez-vous ?
La liberté d’expression et de création
Que vous inspire la phrase de Lacan : “L’Amour c’est donner quelque chose qu’on n’a pas à quelqu’un qui n’en veut pas”?
Elle me renvoie à mes 25 ans d’analyse, il a raison.
Que pensez-vous de celle de W. Allen : “La réponse est oui mais quelle était la question ?“
C’est un jaculateur précoce, ça a dû lui échapper.
Quelle question ai-je oublié de vous poser ?
« Puis-je vous poser une question ? »
Entretien et présentation réalisés par jean-paul gavard-perret pour lelitteraire.com, le 4 octobre 2019.