Darren Bryte, Angry t. 2 : “Renouveau”

Une belle hésitation

Suite atten­due d’un pre­mier volet dont a dit tout le bien que l’on en pen­sait au litteraire.com, Angry nous revient avec un second tome afin de clore la course contre la montre enga­gée par les évé­ne­ments sur­ve­nus quelques mois plus tôt dans la petite bour­gade d’Edmond dans l’Etat de New-York.
La sur­prise tient moins alors au dénoue­ment lui-même qu’à la struc­ture du récit qu’offre D. Bryte, lequel semble avoir décidé pour ce final certes d’ouvrir les Cha­kras du lec­teur mais aussi et sur­tout les limites topo­gra­phiques où se can­ton­nait le pre­mier opus : après le modeste vil­lage amé­ri­cain tra­versé par une apo­ca­lypse, l’on passe désor­mais, en sui­vant les pas du héros Jay­den Reed, de manière réso­lu­ment cos­mo­po­li­tique, aux confins du monde, l’histoire nous emme­nant des Etats-Unis jusque en Inde …en pas­sant par Noirmoutiers !

Le roman­cier déplace éga­le­ment son propre cur­seur d’écriture en délais­sant son style ini­tial, si effi­cace, à la Ste­phen King pour adop­ter des codes plus fan­tas­tiques qui mettent l‘accent, en les essen­tia­li­sant grâce aux majus­cules, sur des notions ou enti­tés cen­trales (Renou­veau, Ordre, Chan­ge­ment, Choix, Gar­diens etc.)
Ce n’est pas là le pro­cédé qui nous a le plus séduit ici ; en revanche, il est dif­fi­cile de ne pas noter l’effort consé­quent déployé par l’auteur – hési­tant par­fois entre le roman et l’essai ce nous semble, mais c’est une belle hési­ta­tion  –  afin de pro­po­ser une quête plus phi­lo­so­phique ou spi­ri­tuelle – éco­lo­giste au sens strict diront cer­tains –  à ses lec­teurs au gré de for­mu­la­tions par­fois plus tra­vaillées (mais pas trop chan­tour­nées non plus) que dans son tome 1.

La ques­tion de fond se déplace en effet peu à peu vers un acmé à l’accent fort pes­si­miste : faut-il oui ou non sau­ver l’humanité ? Pour affron­ter cette ques­tion et moti­ver le choix de Jay­den qui aura une consé­quence immé­diate sur sa propre exis­tence,  Daren Bryte nous expose dans une logique du pire aux pires éma­na­tions de l’espèce humaine (guerres, géno­cides, ultra-violences, pol­lu­tions…)-  d’où la haine abso­lue d’ Angry envers notre espèce mise en place dans le pre­mier tome.
Reste que, pire fléau qui soit sur Terre, rien ne laisse entendre que l’Homme pour­rait ces­ser ses méfaits, mettre un terme à cette hor­reur du quo­ti­dien et se maî­tri­ser enfin  tout en res­pec­tant son bio­tope (il serait temps !).

Que faire alors : espé­rer en un chan­ge­ment pos­sible mais uto­piste ou, dans le doute fondé par le constat empi­rique d’un monde à la dérive, tout détruire pour mettre un terme au chaos ambiant ?, telle est la ques­tion majeure. On peut y ajou­ter celle-ci, à conso­nance reli­gieuse car c’est aussi une autre dimen­sion du texte : l’amour pourrait-il sau­ver l’humanité ?
En met­tant  davan­tage l’accent sur l’aspect intros­pec­tif de ses pro­ta­go­nistes,  D. Bryte offre donc un récit  psy­cho­lo­gique et exis­ten­tiel qui atteste de la diver­sité de sa palette en pro­po­sant rien moins que  de nous ouvrir à une per­cep­tion autre de la réa­lité physique.

Sortant en ce sens du cadre attendu de la science-fiction (même si ce domaine est com­plexe et ren­voie à de nom­breuses écoles), l’on pressent que le sieur Bryte, au risque de bous­cu­ler ses fans et foin de toute nothom­bi­sa­tion de l’univers livresque, pour­rait bien adop­ter un tout autre style dans son pro­chain roman.
Ce qui, en soi n’est pas fait pour nous déplaire.

lire notre entre­tien avec l’auteur 

fre­de­ric grolleau

Dar­ren Bryte, Angry t. 2 : Renou­veau, City édi­tions, juillet 2019, 432 p. – 18,90 €.

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Filed under Science-fiction/ Fantastique etc.

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