Blandine Le Callet & Nancy Peña, Médée – t.04 : “La chair et le sang”

La conclu­sion d’une vie mouvementée…

Médée, dans la mytho­lo­gie grecque, est la figure malé­fique, cri­mi­nelle par excel­lence. Si elle pos­sède un cer­tain nombre de connais­sances qui en font une sor­cière, n’est-t-elle pas la nièce de Circé ? Ce sont les cir­cons­tances et ses sen­ti­ments entiers  qui la placent dans des situa­tions ter­ribles, face à des dénoue­ments dra­ma­tiques, le meurtre appa­rais­sant comme la seule sor­tie de crise pos­sible.  Il faut cepen­dant remar­quer que jadis l’assassinat était très à la mode, mode qui d’ailleurs per­dure depuis ! Mais le meurtre com­mis par un homme était sans doute moins grave que celui com­mis par une femme.
Amou­reuse de Jason pour qui elle va tra­hir son père, son peuple, pour l’aider à s’emparer de la Toi­son d’or, elle aban­donne tout pour le suivre et n’hésite pas à tuer pour le pro­té­ger. Ce qua­trième et der­nier tome raconte les ultimes aven­tures dont elle fut l’héroïne avant de trou­ver un der­nier refuge pour attendre la fin, une fin bien longue à venir comme si les dieux vou­laient la punir, lui faire expier ses crimes.

C’est depuis l’île mys­té­rieuse où elle attend la fin que Médée, vieille femme, se remé­more les der­nières étapes de sa vie, ayant moins peur de la mort que de ses sou­ve­nirs. Elle se rap­pelle son arri­vée à Corinthe, de nuit, en com­pa­gnie de Jason son époux. Elle craint que le roi Créon ne les accepte à la cour, étant res­pon­sables de la mort de Pélias, le roi d’Iolcos. Mais Acaste s’est emparé du trône de Pélias spo­liant ainsi Jason à qui la royauté reve­nait de fait.
Jason est accueilli avec empres­se­ment pour ses qua­li­tés de construc­teur de bateaux. Le roi, avec son royaume lar­ge­ment ouvert sur la mer, veut une flotte impor­tante. Elle se retrouve dans une pri­son dorée, obli­gée de s’habiller à la grecque, de côtoyer les femmes du palais. Elle sup­plie Hécate de l’aider à sup­por­ter cette vie. Elle accouche dif­fi­ci­le­ment de jumeaux, bap­ti­sés Phé­rès et Mer­mé­ros. Elle est espion­née car le roi se méfie d’elle. Elle reste aux yeux de ses hôtes une Col­chi­dienne, une bar­bare, une sor­cière.
Des émis­saires d’Acaste viennent alors deman­der à Créon de lui livrer Médée pour qu’elle subisse le châ­ti­ment qu’elle mérite. Pour être écouté,Acaste  a consa­cré d’énormes moyens pour réunir une puis­sante armée. Créon, bien que n’aimant pas qu’on le menace, voit l’occasion de se débar­ras­ser de la bar­bare. Il fait fui­ter l’ultimatum parmi la popu­la­tion avec tout ce qui accuse Médée…

La scé­na­riste prend un angle peu habi­tuel pour racon­ter la vie de Médée. Plu­tôt que d’utiliser des témoi­gnages, des récits, des mémoires, elle lui donne la parole, lui fai­sant racon­ter les divers épi­sodes qui ont consti­tué sa vie. Blan­dine Le Cal­let for­mule avec minu­tie les diverses péri­pé­ties vécues par Médée, les sen­ti­ments qui l’animent, ses réac­tions, sa volonté de res­ter libre et de vivre son amour pour Jason. Elle ne sup­porte pas qu’on l’abandonne, qu’on la laisse pour aller vers une autre femme, ani­mée d’un amour absolu.
Elle dresse un por­trait d’une belle finesse, montre le per­son­nage, son carac­tère, les cadres dans les­quels elle a évo­lué et qui ont condi­tionné ses actes. En fait, si elle tue, c’est par amour, par exemple, pour punir Pélias de ce qu’il a fait à Jason.
Quand ce der­nier s’apprête à la trahir…

Le des­sin de Nancy Peña est doux, à la fois réa­liste et syn­thé­tique. Avec les yeux en amandes de tous ses per­son­nages, elle exprime de fort belle manière les sen­ti­ments qu’ils res­sentent, les émo­tions qui les tra­versent, qui les bou­le­versent. Les vignettes mettent l’accent sur des plans rap­pro­chés des pro­ta­go­nistes. Elle réa­lise éga­le­ment quelques vues pano­ra­miques, quelques décors superbes.
Aidée pour la mise en cou­leur par Céline Bada­roux, toutes deux uti­lisent de larges aplats, des teintes pures qui rendent bien la lumière de la région où se déroule l’histoire.

Avec ce qua­trième tome, les auteures signent la fin d’une belle saga, magni­fi­que­ment racon­tée et illus­trée, met­tant en scène une femme libre, amou­reuse, contrainte à des extré­mi­tés regrettables.

serge per­raud

Blan­dine Le Cal­let (scé­na­rio), Nancy Peña (des­sin), Céline Bada­roux & Nancy Peña (cou­leurs), Médée – t.04 : La chair et le sang, Cas­ter­man, août 2019, 112 p. – 18,00 €.

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