Touristes, terroristes, sécularistes, hackers, fondamentalistes, transhumanistes, algorithmiciens : Calasso rameute les tribus qui hantent un innommable. Peu à peu, il prend corps. Même s’il crée un monde en galère et en fuite qui semble perdre son histoire. Néanmoins, tout semble plus fluide et visible par retour au passé. Ici, dans la période comprise entre 1933 et 1945. L’époque fut déjà tragique puisque s’intruisit à bien des égards une tentative d’anéantissement.
La suite fut plus hybride avec néanmoins bien des craintes plus que rampantes et une peur de l’autre qui prend de plus en plus un aspect planétaire. W.H. Auden intitula cette époque de violence larvée et clivante “L’âge de l’anxiété” dans un dire poétique divinatoire et à plusieurs voix.
Désormais, ces voix reviennent quoique lointaines, comme si elles surgissaient d’une autre “pays” et d’un ordre ancien. Les choses sont désormais de plus en plus compliquées au sein de la mondialisation. Mais avec Calasso, si l’anxiété ne manque pas, elle ne prévaut pas. L’Italien repense notre monde pour mettre en exergue l’inconsistance meurtrière d’un caractère internationaliste inhumain.
Ce neuvième temps d’une œuvre majeure en cours d’élaboration se retrouve ici relié à sa première partie : “La ruine de Kasch” (1987), où apparaissait déjà la notion «l’innommable actuel», précédée et suivie à l’époque par deux lignes blanches. Ce nouveau tome les remplit en mettant en exergue autant des affirmations solides que des mots d’ordre négatifs. Reste à savoir où trouver la nouvelle inventivité politique et ses débouchés qui devraient réinventer une hospitalité absolue jugée impossible mais aussi que nécessaire toute orientation éthique.
Calasso pose la question de l’autre et de son accueil et son acceptation, alimente ce qui arrive dans cet après — pas si lointain que ça — de la Seconde Guerre mondiale et ses terreurs criminelles. C’est ambitieux dans l’espoir affiché d’une nouvelle alliance. Et ce, même si elle semble improbable dans notre temps post-historique.
L’auteur a le mérite de ne pas proposer des fusions passéistes toujours faciles au moment où les migrations sont à la fois interdites mais d’une certaine manière obligées, loin des limitations des lois étatiques qui referment plus qu’elles n’ “ouvrent”. Une scène internationale est à inventer mais l’on sait la méfiance que cela entraîne.
jean-paul gavard-perret
Roberto Calasso, L’innommable actuel, trad. de l’italien de Jean-Paul Manganaro, Gallimard, coll. “Du monde entier”, Paris, 2019.
Inouï comme cette recension est mal écrite! On dirait un commentaire de Calasso par un étudiant coréen qui aurait été traduit par un médiocre étudiant de Langues O’.