Jean Van Hamme & Griffo, S.O.S Bonheur

Dans le cadre de l’anniversaire des 20 ans de la col­lec­tion Aire libre Dupuis pro­pose une édi­tion spé­ciale  du renommé S.O.S bon­heur (tirage limité avec jaquette et cahier sup­plé­men­taire de des­sins inédits)

Retour sur un must

Il faut croire que le bon­heur est une den­rée péris­sable, un bien jamais acquis et tou­jours à défendre. Consi­dé­rant qu’il n’est (sans doute) jamais trop tard pour bien faire et qu’un rap­pel au res­pect élé­men­taire des liber­tés indi­vi­duelles n’est jamais perdu, les édi­tions Dupuis avaient eu la bonne idée de nous rafraî­chir la mémoire en 2001 : ainsi repa­rais­saient, treize ans après leur pre­mière édi­tion, les trois volumes de S.O.S. Bon­heur réunis dans une inté­grale qui valait son pesant de caca­huètes. Par­don, de concepts !
C’est cette inté­grale qui repointe le bout de son museau bédéique pour hono­rer les 20 ans de la col­lec­tion Aire libre

Six courtes his­toires indé­pen­dantes exposent ici ce qu’il en est lorsqu’un État tota­li­taire décide au nom de ces citoyens ce qu’est le bon­heur. Chaque épi­sode est tou­te­fois relié aux autres par un der­nier récit, “Révo­lu­tion”, où l’ensemble des résis­tants se retrouve pour com­battre le sys­tème éta­bli et rêver du retour de la Liberté…
Qu’il cri­tique le fonc­tion­ne­ment d’une com­pa­gnie opaque à ses propres employés, une méde­cine dépen­dant d’ une mutuelle poli­cière dic­ta­to­riale ou des vacances pré-programmées — qui n’en sont donc pas -, Van Hamme dépeint féro­ce­ment un futur pourri jusqu’à l’os.


A
utant dire qu’on n’est pas dans le meilleur des mondes (ou plu­tôt, si c’en est un, concé­dons qu’il res­semble furieu­se­ment à celui d’Aldous Hux­ley !) : les der­niers épi­sodes déli­vrés dans un contexte d’utopie néga­tive et consa­crés à la sur­veillance per­ma­nente des citoyens, à l’eugénisme et à l’éreintement de la liberté d’expression font encore et encore froid dans le dos.
E
n un cer­tain sens, le côté un peu démodé des cou­leurs et des des­sins sert par­fai­te­ment le pro­pos : il est vrai que la série fait très années 80 (et pour cause !) mais par là-même la forme rejoint le fond : le détours flot­tants de Griffo — qui débu­tait alors dans le des­sin réa­liste — et la cou­leur affa­die dénoncent expli­ci­te­ment un cadre de vie dont la vie elle-même s’est absen­tée, rem­pla­cée par de pâles ersatz qui lui ont enlevé tout son sel. C’est-à-dire son goût.

Ainsi ras­sem­blés, les trois albums sont incon­tes­ta­ble­ment cohé­rents et font signe vers une inter­ro­ga­tion à réité­rer sans cesse concer­nant nos “valeurs”. De fait, les notions mêmes de sécu­rité, de tra­vail et de loi­sirs reçoivent un coup de pro­jec­teur qui dépasse la dimen­sion pure­ment (faus­se­ment ?) illus­tra­tive de la BD.
Comme la per­ver­sion est une part essen­tielle de la liberté et du pou­voir, il est plai­sant d’observer par ailleurs que le créa­teur de cet hymne mora­liste à la liberté est entre-temps devenu le papa de “Largo Winch”… connu pour répandre autant les dol­lars que les bonne paroles. Cha­cun en tirera les conclu­sions qu’il vou­dra (après tout, c’est la der­nière des liber­tés, non ?)

fre­de­ric grolleau 

Jean Van Hamme, Griffo, S.O.S Bon­heur, Edi­tion inté­grale, Dupuis, 2008, 176 p. — 32,50 €. Pre­mière édi­tion : Dupuis, 2001

 

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