Le début d’une belle saga de fantasy à la française
Xavier Dorison au scénario, Joël Parnotte au graphisme, proposent en quatre tomes un conte pour adultes, une histoire conjuguant en un savant mélange des thèmes fantastiques et historiques sur une trame de polar. C’est le début du XXe siècle qui est retenu comme cadre pour ses interactions sociétales, pour l’émergence d’un capitalisme furieux.
Le scénariste oppose deux visions, deux conceptions du monde. Avec le Royaume d’Azur, c’est la nature, une certaine philosophie humaniste tirée des penseurs présocratiques. La cour Sombre est le reflet du capitalisme galopant, avide de richesse, ne respectant rien sinon la trilogie des dieux Argent, Profit, Rapport.
En 1900, à Marseille, dans une fonderie, Clément est très apprécié de ses collègues ouvriers. Un soir, quittant l’atelier, il est attendu par une dame vêtue en aristocrate. Elle l’emmène dans sa voiture. C’est alors que Clément lui reproche son approche. Il est sur le point d’aboutir, elle va griller sa couverture. Elle lui révèle que de toute façon, il est déjà grillé, la cour Sombre l’a percé à jour. Il doit quitter Marseille sans délai. Il objecte qu’il est marié avec trois enfants. Soudain, un homme se dresse sur la route face à la voiture. Le combat s’engage et Clément n’a pas d’autre choix que mourir.
La dame se rend chez Adèle, l’épouse. Elle la presse de partir immédiatement en gardant le secret sur Clément. Elle donne un dé à Basile, l’aîné des enfants. S’il jette ce dé dans une eau claire et profonde, elle saura où les trouver pour leur apporter son aide.
Neuf ans après, à Gennevilliers, Adèle réveille les trois enfants. Basile va à l’usine pendant que Victor et Calixte, la petite dernière, vont à l’école. La situation dans les usines est dramatique ce qui pousse les ouvriers, dont Adèle, à se révolter. Après de multiples combats contre la police, les briseurs de grève, Adèle est emprisonnée. Les enfants se retrouvent seuls. Basile se résout alors à jeter le dé, qu’il a conservé, dans une eau claire et profonde…
Le scénario passe, tour à tour, de décors sombres, néfastes à des cadres riants, riches en couleurs éclatantes. Pour cette série, dans ce premier tome, Xavier Dorison met en vedette une dame âgée qu’il baptise la comtesse Aristophania, Léontine, Armance Bol-Privat de Rochebrune. Lui qui avoue avoir quelques soucis pour trouver des prénoms et des patronymes qui sonnent bien et qui soient en adéquation avec le personnage, c’est plutôt réussi. Il met ainsi en scène des protagonistes aux super-pouvoirs, pouvant, selon les cas avoir le don d’invulnérabilité, une force herculéenne, une capacité de télékinésie…
Joël Parnotte, qui assure dessin et couleurs, avait déjà enchanté ses lecteurs avec plusieurs séries telles que Le sang des Porphyre et Le Maître d’armes. Avec un dessin réaliste, il met en scène des sentiments, des émotions au rendu impeccable. Les décors sont particulièrement soignés, qu’ils soient sombres et pluvieux, ou qu’ils soient lumineux et ensoleillés. De plus, sa mise en page offre une vision claire de l’action, même quand elle est très mouvementée, et une lisibilité commode de ses planches.
Le Royaume d’Azur se révèle très attractif, un début de série en fanfare pour une histoire remarquablement menée et magnifiquement mise en images.
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serge perraud
Xavier Dorison (scénario) & Joël Parnotte (dessin et couleur), Aristophania – t.01 : Le Royaume d’Azur, Dargaud, janvier 2019, 64 p. – 14, 99 €.