Jacques Cauda, Les cinq morts de Paul Michel & J’azz

Aller sans retour et voies de triage

Multit­plier sa mort n’est pas une ciné-cure sauf à celui qui sait mettre en scène des come back sans jamais les trai­ter en flash-back (cette com­mo­dité de la nar­ra­tion lit­té­raire ou ciné­ma­to­gra­phique). La fic­tion cau­dienne n’a pas besoin d’un tel arti­fice pour déve­lop­per des arte­facts où le nou­vel Ramon Mer­cad­ser devenu plus pla­te­ment un Paul Michel se retrouve “lapin dans les phares”. Rincé, noyé il peut être pris pour un jam­bon mais non de Parme ou d’Aoste : nous sommes net­te­ment plus au nord.
Dès lors, à la fois tout est pos­sible et sur la même ligne de conduite. Mou­rir, tuer, écrire, res­sus­ci­ter ou se lover à  la place du mort est du même tabac à qui espère une pipe pour s’envoyer en l’air ou sau­ver ce qui peut l’être après une par­tie de poker qui a tourné au fiasco.

Reste néces­saire néan­moins — et afin d’espérer s’en tirer — un pro­lé­go­mène au “go men !”. Il faut bien sûrs des femmes aux seins amènes, qu’elles soient tom­bées d’un camion venu de l’Est ou tout sim­ple­ment natives de la Picar­die. Paul en fait ses quatre heure (voire ses repas du soir). Mais celui que les crouilles comme les maque­reaux au teint gro­seille tiennent et ne le lâchent pas a besoin d’une musique de chambre avant qu’il se trans­fi­gure non en tigre mais en “Christ de papier” res­sus­ci­tant donc résis­tant.
Tou­te­fois, le Boléro de Ravel ne suf­fit pas. Il faut du Duke, du Monk, du Kirk voire du Les­ter Young et même du Chet Baker avec Paul Cham­bers à la basse. Dès lors, les vies peuvent tour­ner comme des rou­le­ments à Bill (Evans). Certes, il n’est pas ques­tion d’arpenter en gilet jaune les Champs-Elysées et autres splen­deurs de Paris. Paul Michel se contente des impasses d’une capi­tale plus régionale.

Amiens sera tou­jours Amiens. Ni plus ni moins. Mais la ville est un tout à qui doit sau­ver sa peau eu égard à cer­taines incon­sé­quences notoires. Paul croit sau­ver ce qui lui reste de peau au milieu d’ersatz où il cultive “ce que Spi­noza appelle les actions néga­tives” dont il ne se prive pas. Le voici espé­rant — hors de pro­pos — être aveugle afin de prendre ses par­te­naires les plus impro­bables pour des mégé­ries de l’amère. Il les attend — comme la mort — en grillant ciga­rettes sur ciga­rettes.
Ingrats parmi les grasses grâces (Billie Holi­day n’est plus ici), il finit tel qu’il a (re)commencé ses tra­verses. Comme celles sous les rails de la SNCF, elles semblent propres à épou­ser les ondu­la­tion du sol mineur.

jean-paul gavard-perret

Jacques Cauda,
Les cinq morts de Paul Michel, Edi­tions Lami­roy, coll. Opus­cules,  2019 — 4,00 €,
J’azz, Dumer­chez Edi­tions, 2019 — 170,00  €.

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Filed under Poésie, Romans

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