Patrick Senécal, Les 7 jours du Talion

Quelles limites à une telle loi ?

Quand cette loi biblique du Talion a été édic­tée, elle se vou­lait équi­table pour évi­ter les excès, mettre fin à des cycles de ven­geance, à une esca­lade dans ceux-ci. Cette loi ne prô­nait que l’équivalence : pour un œil, un œil, pour une dent, une dent et non toute la gueule.
C’est la pre­mière mani­fes­ta­tion d’un droit qui cherche à cana­li­ser et à régle­men­ter la ven­geance sau­vage. Depuis, l’Humanité a-t-elle fait des pro­grès ? On peut en dou­ter face au défer­le­ment de bar­ba­rie sous cou­vert de reli­gion, de jus­tice, de poli­tique, de liberté…

Bruno Hamel, un chi­rur­gien, est sta­tionné vers le palais de jus­tice de Drum­mond­ville. Il regarde le monstre sor­tir d’une voi­ture de police. Il demande à l’ado qui l’accompagne d’attendre encore. Bruno est là parce qu’il y a quelques jours sa vie a som­bré quand, ne voyant pas Jas­mine sa fille de sept ans, reve­nir de l’école, il a été à sa ren­contre jusqu’à l’établissement sans la voir. Les poli­ciers, pré­ve­nus, ont trouvé, tout près, le petit corps mas­sa­cré, violé, étran­glé. C’est en regar­dant à la télé­vi­sion le repor­tage sur ce crime qu’il trouve ignoble le petit sou­rire que le meur­trier affiche face à la caméra. Avait-il ce sou­rire quand il vio­lait Jas­mine ? Quand il sor­tira de pri­son, il affi­chera le même sou­rire ! Bruno ne peut accep­ter cette situa­tion. Il décide de mettre tout en œuvre pour l’effacer.
Il cherche alors un lieu pro­pice à la réa­li­sa­tion de son pro­jet, fait amé­na­ger une salle de tor­tures. Il enlève le monstre, comme il l’appelle, le jour où celui-ci com­pa­rait pour une audi­tion devant un juge. Peu après le kid­nap­ping, Bruno appelle son épouse pour lui expli­quer ses actes. Il reven­dique ceux-ci auprès de la Sûreté du Qué­bec. Il pro­met d’exécuter le monstre après 7 jours, puis de se rendre pour, à son tour, faire face à la justice…

Avec son roman, Patrick Sené­cal explore toutes les facettes de l’application de cette loi par un père qui veut ven­ger la mort hor­rible de sa petite fille ado­rée. Il détaille les atti­tudes des uns et des autres dans le mael­strom de sen­ti­ments que déclenchent cette affaire et le face à face entre un homme ivre de ven­geance et un assas­sin qui crâne et joue les cyniques. Il élar­git le débat avec l’intervention de l’opinion publique, l’expression de la popu­la­tion. Il expose toutes les posi­tions, celles de ceux qui se féli­citent de l’attitude de Bruno, celles de ceux qui la récusent, défen­seurs d’une cer­taine huma­nité et d’une cer­taine jus­tice.
Patrick Sené­cal sait entre­te­nir le sus­pense. Il mul­ti­plie, autour de son intrigue prin­ci­pale qui est la confron­ta­tion de deux hommes, nombre d’intrigues secon­daires qui viennent ren­for­cer la ten­sion. Il décrit le rôle des médias, l’enquête du sergent-détective, les inter­ac­tions avec les pro­ta­go­nistes du drame…

Ce livre a été publié pour la pre­mière fois en 2002 aux Édi­tions Alire. Le sujet a été repris pour être porté au grand écran en 2010, dans un film au même titre scé­na­risé par le roman­cier.
Patrick Sené­cal signe un magni­fique roman qui, dans le cadre d’un thril­ler, offre une large réflexion sur la ven­geance, sur les limites ou les pos­si­bi­li­tés de la loi du Talion.

serge per­raud

Patrick Sené­cal, Les 7 jours du Talion, fleuve noir, octobre 2018, 360 p. – 19,90 €.

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Filed under Pôle noir / Thriller

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