Elle a vingt ans, il en a soixante dix, il est nobélisable (même s’il ne le sera jamais), elle est secrétaire chez son éditeur. Mais ils sont davantage. Car Lisa Halliday ne s’est pas laissé embarquée dans le sensationnel ou le caniveau racoleur mais dans la littérature. La grande. Roth (car c’est bien de lui qu’il s’agit) l’a reconnue chez celle dont il est devenue l’amant.
Le vieil écrivain n’a dans ce livre rien de flétrissant. La qualité attentive de l’écriture fait de lui un roi persan au sein d’un livre qui pourrait d’abord sembler incohérent – eu égards à ses trois parties – mais qui a tout d’une pièce précieuse.
Il existe chez Lisa Halliday ce que Roth a pressenti : un réel écrivain. Il a d’ailleurs accordé son imprimatur à la publication de cette Asymétrie. Lorsque l’on se rappelle les précautions que le romancier mettait à préserver sa vie privée, c’est une marque incontestable qu’il existe là une écriture qui n’a pas rompu le pacte qui liait un temps la sirène à son aîné. Elle ne cultive pas encore son ironie et ses fureurs mais partage déjà son goût pour le base-ball. C’est plus qu’un signe.
jean-paul gavard-perret
Lisa Halliday, Asymétrie, trad. Hélène Cohen, , Gallimard„ coll. Du monde Entier, 2018.