Duane Michals : le portrait et ses démarches
Paradoxalement, pour Duane Michals, le portrait devient une réalité que nous ne voyons pas ou plus. Est-ce parce que le reste du monde, du corps nous intéresse beaucoup plus ? Pas sûr, du moins pas toujours. Lacan l’avait remarqué : l’œil virevolte donc le regard devient béance oculaire vague et c’est pourquoi le photographe — comme dans le cas des « Trois mousquetaires » de Dumas– donne quatre identités à ses portraits.
Pour ce nouvel ouvrage publié par Thames and Hudson, le photographe américain rassemble ses meilleurs portraits et nous explique ses principes sur ses techniques. La première est la position debout classique avec regard fixe comme celui des premiers daguerréotypes, la tête maintenue par une sorte de tenaille pour éviter une image floue. Cette torture n’est plus admissible d’autant que le flouté n’est plus un interdit.
Même si cette prise au regard fixe est légitime et reste le vademecum des albums de famille jusqu’aux selfies d’aujourd’hui, l’artiste propose une vision plus profonde au-delà des apparences. D’où le « portrait prose » qui raconte l’histoire d’une personne. Une part de sa nature se révèle dans l’intrigue. Michals l’a fait par exemple avec Michael Richards, qui joua Cosmo Kramer, l’idiot comique de la série télévisée Seinfeld.
Le photographe propose aussi le « Portrait annoté » qu’il définit sobrement : « J’écris mes pensées et mes remarques sur le sujet. Je m’exprime ». Enfin (et surtout), il opte pour le D’Artagnan de la figure : le « Portrait imaginaire » à savoir l’idée que l’artiste se fait de son modèle, bref l’invention de personnages, qui sortent tout droit de son imagination.
jean-paul gavard-perret
Duane Michals, Portraits, Thames & Hudson, New York, 2017, 176 p. –45,00 $.